GeorgesBernanos, Histoire d'un homme libre (TV Movie 2020) Parents Guide and Certifications from around the world. Menu. Movies. Release Calendar DVD & Blu-ray Releases Top 250 Movies Most Popular Movies Browse Movies by Genre Top Box Office Showtimes & Tickets In Theaters Coming Soon Movie News India Movie Spotlight. TV Shows . What's on TV & Streaming Top Témoin actif des plus grands événements du 20ème siècle, Georges Bernanos fut, bien avant l’heure, un lanceur d’alerte » pour ses semblables et contre un monde en voie de déshumanisation. Père de 6 enfants, fils d’une famille monarchiste, Bernanos fustige les impostures de son temps. 70 ans après sa mort, le petit-fils et le petit-neveu de l’écrivain, s’appuyant sur une collection de photos inédites, d’archives et de correspondances, remontent le fil romanesque de sa vie et de son œuvre. DUREE 52 mnUn film écrit et réalisé par Yves BERNANOS et Jean-Pascal HATTUIMAGE Jérôme KEMPA – Louise BOKAY – Yves BERNANOSSON Olivier PIODA – Jean-Pascal HATTUMONTAGE Nicole BRAMEMUSIQUE ORIGINALE Béatrice THIRIETVOIX COMMENTAIRE Olivier CLAVERIEVOIX GEORGES BERNANOS Nicolas VAUDE DiIFFUSION France 3 Hauts de France Sept 2019 GeorgesBernanos, histoire d’un homme libre Un Court-métrage de Yves Bernanos, Jean-Pascal Hattu Produit par Real Productions Année de production : 2019 Synopsis Figure littéraire majeure du XXe siècle et témoin engagé dans
LES FORCES NAVALES FRANCAISES LIBRES Ah! Cette putain de guerre, elle ne finira donc jamais! On lui a fait mal Michel, 19 ans, départ pour Londres – 27/11/1942 Nous ne pouvions parler de Michel sans consacrer une partie distincte à son engagement au cœur des Forces Navales Françaises Libres du général de Gaulle dont le vécu est particulièrement présent dans ses œuvres. En effet cet engagement va constituer un tournant particulier dans sa vie, tout comme dans celle des nombreux soldats engagés à l’époque qui, pour beaucoup d’entre eux, garderont sous silence les faits les plus marquants. Au 14 juin 1940, les Allemands sont à Paris, la partie nord de la France est Le gouvernement français, contraint de se déplacer à Bordeaux, sera nouvellement formé sous le maréchal Pétain qui annonce à la radio la nécessité d’arrêter les combats, recherchant avec l’ennemi le moyen de mettre un terme aux Du 19 au 20 juin 1940, Bordeaux subit de terribles bombardements. Ce gouvernement nouvellement créé se déplacera dans la ville de –4 Au 22 juin 1940, l’armistice est signée. Le 1er juillet suivant, l’assemblée nationale donnera les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. Simultanément, le Général de Gaulle lance un appel aux français via les ondes de la BBC à Londres, les invitant à le rejoindre pour poursuivre le combat contre l’occupant L’appel du 18 juin 1940 est lancé La flotte française étant désormais sous le contrôle du régime de Vichy, le général de Gaulle va devoir trouver des solutions pour récupérer une partie des bateaux, ne songeant pas à livrer sa flotte aux Une grande partie des navires français se trouve déjà en dehors de la métropole, la flotte qui y demeure présente sera aussitôt mise à l’abri Le cuirassé JEAN BART quitte SAINT-NAZAIRE pour CASABLANCALe cuirassé RICHELIEU est évacué de BREST vers DAKARLe sous marin SURCOUF étant en révision à BREST sera dirigé vers l’ANGLETERRE, il en sera de même pour les sous-marins RUBIS et NARVAL6 Certains marins français, au péril de leur vie, décident de rejoindre le général de Gaulle en ANGLETERRE. Il est important de relever qu’à cette époque, des pressions étaient effectuées sur les marins par le régime de Vichy afin qu’ils y restent fidèles, y compris sur leur propre famille. Aussi, la majorité des marins français continuait d’exercer auprès de l’amiral Darlan, chef d’état major depuis 1937 et proche du maréchal Croix de Lorraine de la France Libre C’est dans ce contexte que le Vice Amiral Muselier décide de rejoindre le général de Gaulle en ANGLETERRE au 30 juin 1940 et va jouer un rôle majeur dans l’histoire de la FRANCE LIBRE. Aussitôt, le général de Gaulle le nomme au commandement des forces maritimes françaises restées libres, quelles qu’elles soient et quel que soit l’endroit où elles se trouvent », il sera également nommé provisoirement commandant des forces aériennes de la FRANCE LIBRE. Le jour même, il appelle tous les marins et aviateurs français à les rejoindre. Au 3 juillet 1940, l’amiral Muselier propose comme emblème pour la FRANCE LIBRE, la croix de Lorraine en souvenir de son père d’origine C’est ainsi que va se jouer une véritable guerre parallèle sur les mers du globe jusque 1945 La Bataille de l’ Ces combats emporteront ainsi la vie de nombreux marins de la FRANCE LIBRE, quand d’autres, pour l’immense majorité très jeune, y survivront mais en resteront terriblement marqués. Ces hommes, véritables résistants des mers, seront notamment ceux auxquels nous devons la mise en place du débarquement du 6 juin 1944, sans lequel la France n’aurait pu être libérée. Courant 1942, Michel a alors 19 ans. Attiré par l’appel du général de Gaulle et animé par une envie irrépressible de participer à la grande aventure de la France Libre, il se présente au consulat d’ANGLETERRE à RIO DE JANEIRO. Encore mineur à l’époque majorité à 21 ans, sa première demande sera refusée, il lui faudra ainsi obtenir l’accord officiel de son père. En date du 27 novembre 1942, une fois l’accord demandé obtenu, il obtient un laisser-passer pour Londres. 1er ordre de mission au 12 décembre 1942 Envoyer Bernanos à Londres, école des Cadets » – Objectif » Aller à la Caserne SURCOUF de Londres » – Aucun bateau n’ayant touché Rio depuis 3 mois, nous acheminons ce volontaire via Cap Town Afrique du Sud d’où il pourra rejoindre plus facilement l’Angleterre » Ordre de mission du 12 décembre 1942 Laisser-passer pour Londres du 27 novembre 1942 Au 30 janvier 1943, Michel part pour Londres via le MELBOURNE STAR de la BLUE STAR LINE. Ces navires étaient officiellement des bateaux de la marine marchande conçus pour transporter des passagers et des marchandises réfrigérées. Pendant la 2nde guerre mondiale ils étaient officieusement chargés de l’apport de nourriture et de munitions de guerre à la Grande-Bretagne. Nous relevons ainsi que La BLUE STAR LINE avait 41 navires dispersés à travers le monde, 29 navires ont été perdus par l’action ennemie. Le Melbourne Star – Blue Star Line Le convoi fut pris dans un attaque de U-BOOT sous-marins allemands spécialement conçus pour attaquer les convois de ravitaillements alliés. Le MELBOURNE STAR étant sérieusement touché, Michel fut transféré sur un pétrolier mixte, certains brûlaient en coulant, rependant ainsi une nappe de feu sur la mer, le convoi fit route dans les flammes pendant de nombreuses heures. La vitesse des convois est faible, souvent moins de 6 nœuds en fonction des navires. […] Quand le radar indique un bâtiment ou que sur la passerelle le périscope d’un sous-marin a été aperçu, ordre est donné au convoi de resserrer les rangs et d’accélérer il faut à la fois déstabiliser les calculs de tirs ennemis, forcer les sous-marins à se rapprocher et le cas échéant, permettre des sauvetages plus rapides. La tension monte alors sensiblement pour les navires escorteurs. Les allemands n’ont pas toujours de cible précise, visent d’abord les plus gros tonnages et les pétroliers ou transports de une torpille touche un navire, la corvette la plus proche se lance frénétiquement à la recherche du meurtrier, tout en voyant la meute procéder à d’autres attaques en différents endroits… Les corvettes peuvent prêter main-forte aux bateaux de secours en cas de naufrage, mais la priorité reste de scène de sauvetage est toujours pénible le mazout du bâtiment coulé flotte et crée une nappe parfois enflammée dans laquelle se débattent les quelques rescapés et où l’on voit aussi des corps inanimés flotter sur le ventre au milieu des Le 2 avril 1943, soit 2 mois plus tard, le MELBOURNE STAR sera coulé par une torpille ennemie dans l’océan atlantique il ne restera que 4 survivants sur les 116 membres de l’équipage.11 Michel obtenait ainsi un premier aperçu de ce que seront faites ses années d’engagement à venir. Il arrive ainsi à Londres le 9 mars 1943, le relevé des services militaire indiqué sur son livret individuel de réserviste de l’armée de mer nous apporte les éléments d’informations suivants 12 –13 –14 –15 Du 11/03/1943 au 19/03/1943 Caserne SURCOUF – Londres Il s’agit du siège des FNFL, les soldats en arrivant y sont logés quelques jours avant qu’il ne soit décidé de leur future affectation. C’est également à cet endroit que tous les soldats sont orientés en arrivant à Londres, à la CPL Compagnie de Passage à Londres, une structure qui constitue l’étape intermédiaire entre les services d’immigration britanniques et les dépôts français de la Marine de Guerre /Marine –17Du 19/03/1943 au 31/03/1943 Caserne BIR HAKEIM Emsworth – Banlieue de Portsmouth18 Dans les premiers temps, les mobilisés y bénéficient d’un entrainement militaire de 1 mois à leur arrivée19 Du 31/03/1943 au 8/04/1943 Caserne MEVREAS – Par le fait que le rédacteur l’ai rattachée à la caserne BIR HAKEIM sur le livret de Michel, j’en déduit que cette caserne est située également à Emsworth ou à proximité et qu’il s’agit également de l’entrainement militaire qui y est dispensé. Du 08/04/1943 au 29/04/1943 Maison de santé Beaconsfield Recherches en cours20Du 29/04/1943 au 20/06/1943 Caserne BIR HAKEIM Emsworth – Banlieue de Portsmouth en Angleterre On y trouve notamment le centre de formation des canonniers – Michel y fait ses classes – Il est important de relever que les formations étaient très courtes à l’époque, les nouvelles recrues devant être sur le terrain au plus tôt par manque d’effectifs21Du 20/06/1943 au 05/08/1943 Base de Porthmouth Angleterre Principal lieu opérationnel des FNFL, c’est notamment de ce port que partiront les bateaux pour le débarquement de Normandie. Les jeunes soldats y suivaient une formation sur le Cuirassé COURBET, désormais utilisé comme navire d’instruction situé sur ce port d’attacheDu 05/08/1943 au 25/08/1943 Caserne BIR HAKEIM Emsworth – Banlieue de Portsmouth Michel y poursuit sa formation de canonnierDu 25/08/1943 au 15/12/1944 Michel et affecté au chasseur de sous-marins 12 – BENODET, principalement constitué d’hommes de l’Ile de Sein en tant que matelot canonnier, il sera par la suite également nommé opérateur radar En juin 1940, la quasi totalité des hommes de l’Ile de Sein en âge de combattre choisit de rejoindre les FNFL, ils apporteront ainsi de nombreux bateaux de pêche et de commerce à la flotte du général de Gaulle. L’Ile de Sein recevra la croix de la libération du Général de Gaulle le 1er janvier Le chasseur de sous marins sur lequel Michel est affecté fait parti d’une série de 17 unités de la marine destinée à la lutte anti sous marine. Ces chasseurs sont issus d’un programme mis en place en 1937 pour la construction d’un nouveau type de chasseur avec une coque en acier afin de remplacer les chasseurs américains de type C1 avec coque en bois de la première guerre mondiale. Chasseur 12 – Benodet Ces chasseurs disposaient sous les FNFL des caractéristiques suivantes 23 Caractéristiques techniques Chasseur de sous-marinsLongueur 37,1 mMaître-bau 5,66 mTirant d’eau 1,95 mDéplacements 107 tonnesPort en lourd 137 tonnesPropulsion 2 moteurs diesel MAN et 2 hélicesPuissance 1130 chVitesse 15,5 nœudsEquipage 23 Caractéristiques militaires sous les FNFL 1 canon de 90mm2 mitrailleuses Darne de 7,5mm2 canon Schneider de 37mm2 grenadeurs arrière de 16 chargesRayon d’action 1200 nautiques à 8 nœuds 5,5 tonnes de fuel Les conditions de navigation des Chasseurs sont ainsi décrites 24 Ces bateaux de surveillance de 40 mètres embarquent une trentaine de marins et sont équipés pour la riposte […] Ils se voient assigner un secteur dans lequel ils prennent en charge les convois ou mènent des opérations de risques sont nombreux outre les attaques d’avions, les chasseurs doivent éviter et consigner soigneusement les longues lignes de mines magnétiques et acoustiques installées par la KRIEGSMARINE. Ils doivent régulièrement parer à des attaques de vedettes rapides les chasseurs peuvent aussi procéder à des grenadages contre les U-BOOTS Sous-marins allemands qui empruntent la Manche pour passer dans l’ navigation est aussi très difficile, les chasseurs ne sont pas fait pour les temps par tempête, l’eau y rentre par paquets endommageant tout ce qu’elle peut, rendant ainsi les bâtiments plus vulnérables aux attaques ennemies. Par ailleurs, depuis l’entrée en guerre, les phares restent éteints, ce qui augmente considérablement le risque d’accident. Dès les premiers jours, les Chasseurs 6 et 7 seront torpillés par la KRIEGSMARINE Marine Allemande, laissant un seul survivant sur les 60 marins membres des deux équipages. Les Chasseurs gagnent dès la bataille d’Angleterre un profond respect de la part de l’Amirauté Britannique qui saura qu’elle peut compter sur eux pour les opérations à venir. Le Chasseur 12 a servi pour les Forces Navales Françaises Libres à compter du 3 juillet 1940, basé à Cowes sur l’Ile de Wight Angleterre, il prendra notamment part à de nombreux engagements contre des avions ennemis et fut démoli en –26 Michel à bord du Chasseur 12 avec une partie de l’équipage Afin de définir au mieux la mission de Michel à bord du navire, je me permets de reprendre la définition du canonnier affichée à bord du MAILLE-BREZE, Navire musée à visiter sur les bords de la Loire à NANTES 27 La valeur de l’artillerie d’un navire dépend de celle du personnel qui la sert. C’est à dire l’importance du canonnier qui doit manœuvrer avec compétence, rapidité et sang froid des pièces de gros calibre qui tirent à une cadence rapide de lourds à grande distance, une cible petite et mouvante, étant soi-même sur une plate forme qui roule et qui tangue, n’est pas facile. Aussi, l’habilité des canonniers a-t-elle une réputation solide et canons modernes avec leurs mécanismes compliqués exigent des servants longuement formés, connaissant leur pièce, leur tourelle, son système d’approvisionnement en projectiles et tout le matériel attaché à l’artillerie. En tant qu’opérateur radar, Michel avait pour principal mission d’analyser et évaluer les menaces environnantes tout en étant chargé du fonctionnement des dispositifs de détection par radar et radio, du système de brouillage radar/leurres et de l’armement dont il avait déjà une bonne maitrise en tant que canonnier. Au 22 juin 1940, l’armée allemande envahit l’URSS par l’opération BARBAROSSA. La banquise et les côtes de Norvège sont tenues par les troupes allemandes et les convois russes et américains constituent des cibles idéales, les batailles font particulièrement rage sur ce secteur, rappelons que nous sommes au cœur de la Bataille de l’Atlantique qui durera jusque Les principales missions du Chasseur 12 n’étaient donc pas des plus simples car elles consistaient à protéger des convois le long du Mur de l’Atlantique29, véritables forteresses installées par les allemands sur les côtes Le Chasseur 12 interviendra également dans les mers du Nord à proximité des cotes Norvégiennes, elles-mêmes cernées par les forces allemandes. Le passage de la Manche vers la Mer du Nord entre Calais et Douvres Dover était particulièrement dangereux et délicat. Le Mur de l’Atlantique en 1942, situation identique jusque fin 1944 Les conditions de navigation dans les mers du nord sont particulièrement difficiles, les convois doivent régulièrement faire des écarts pour se mettre hors de portée des U-BOOTS31. Il est assez courant que l’eau gèle sur les structures des bateaux, tout le pont se recouvre ainsi d’une glace épaisse pendant plusieurs jours. Opérations d’entretien sur le pont glacé d’une corvette en atlantique du nord Par ailleurs, l’alimentation des marins est mauvaise, ils consomment en grande partie les conserves habituelles, ce qui crée notamment de fortes carences en vitamines C que le corps ne produit pas seul. Il est donc constaté un amaigrissement généralisé, plusieurs gingivites, des cernes et une fatigue immense. Michel, comme beaucoup d’autres, attrapera ainsi le scorbut au cours de cette période. Une fois au port, il faut remettre le bateau en état, ce qui dure plusieurs jours. Les canonniers doivent nettoyer leurs pièces, les moteurs doivent être révisés, les chaudières ramonées… Des travaux de peinture sont également effectués car il suffit de quelques jours sur l’Atlantique pour que la coque se Le Rubis Le livret de Michel ne mentionne pas l’intégralité de ses missions car son ami et coéquipier, Jean LIVET, indique qu’il fit également un remplacement à bord du sous marin RUBIS. Aussi, de l’été 1940 à décembre 1944, le RUBIS effectuait au total 28 missions de mouillage de mines sur les côtes de Norvège et de France, entrainant ainsi la destruction de 16 navires ennemis. Le navire RUBIS est le bâtiment de guerre français qui aura coulé le plus de tonnage allemand au cours de la Jean LIVET, que nous remercions bien sincèrement pour son témoignage, souligne le fait que le capitaine et les équipages lors de leur affectation disposaient de très peu d’expérience car, en pleine seconde guerre mondiale, les formations étaient généralement faites à la hâte par manque de temps. Ainsi, l’équipage du Chasseur 12 étaient parfaitement conscient du fait qu’il pouvait se retourner rapidement par tempête 34 Les qualités nautiques de notre genre d’unité nous donnait toutes chances de nous retourner par gros temps. Nous en eûmes la triste preuve avec le chasseur 5 peu avant noël 1943. Savoir que nous risquions le plongeon définitif sans même avoir besoin pour cela d’un rencontre fâcheuse avec des unités ennemies – La plupart plus rapides et mieux armées que nous – N’était pas pour remonter un moral déjà fortement détérioré par l’absence de nouvelles de la famille. Michel et Jean LIVET effectuaient leurs permissions régulièrement ensemble à Londres. Habitué aux bombardements réguliers et épuisé par le rythme des missions, Jean Livet rapporte ainsi une anecdote selon laquelle Michel, recouvert de gravas par une explosion survenue sur le toit de son hébergement, se contentait simplement d’aller se recoucher dans un autre lit libre, après être passé tout près de la Jean LIVET garde de très bons souvenirs de Michel et évoque une cohabitation heureuse pendant ses années de guerre, en dépit des misères qui en représentaient l’essentiel ». Michel, par son sens de l’humour, avait le don d’apporter une certaine joie de vivre à l’équipage, même dans les moments les plus difficiles Quelques jours avant le débarquement, des pilotes du Gros avaient réussi à nous repérer, en dépit du rideau de fumigènes sensé occulter la côte sud de l’Angleterre. Arrivé tardivement sur le pont, Michel n’avait pu se placer derrière la pièce de canon anti-aérien qui lui était habituellement attribuée. De tous les hommes à bord, aucun n’était disposé à céder sa place. Je piquais aussitôt une tête dans le caisson à munitions le plus proche lorsque la dernière bombe d’un chapelet tombait dans les eaux à proximité de notre chasseur. Michel, lui, se mettait à arpenter le pont en réclamant à corps et à cri une lime à ongles » pour, disait il, ne pas se sentir totalement désarmé! » Au 6 juin 1944, le Chasseur 12 participe au débarquement de Normandie, l’équipage s’y étant préparé ardemment les jours précédents, n’avait aucune idée du jour choisi pour des raisons de confidentialité évidentes. Aussi, le Chasseur 12 prenait la mer la veille au soir sur ordre urgent qu’il fallait immédiatement patrouiller dans la Manche à la recherche de sous marins ennemis avant de se rendre à un point précis d’où ils recevront de nouvelles instructions. Une partie de la flotte d’assaut – 6 juin 1944 Michel est réveillé à l’aube par des cris et des bruits de pas précipités dans les coursives. Une fois sur le pont, un véritable spectacle s’offre à lui, qu’il décrit ainsi Je vis se lever à l’horizon, dégagé de sa brume, le plus fabuleux spectacle marin de tous les temps, des centaines et des centaines de bateaux de tous tonnages, du porte-avions à la péniche, côte à côte en rangs serrés, couvrait toute la surface de l’eau, à l’infini, tandis que, dans le ciel, grondaient des milliers d’ Le Chasseur 12 effectuait la première escorte de convoi L’équipage naviguait au cœur de la flotte d’ Au cours de l’opération, le Chasseur 12 est appelé pour secourir une barge en difficulté au large de l’Ile de Wight, ils font donc demi-tour vers les côtes anglaises et décident de la conduire jusque sur la plage d’Utah –40 Une barge s’approchant des côtes normandes au cours du débarquement avec des chars Sherman DD Amphibie Le général de Gaulle pensait pouvoir récupérer la ville de Caen aux mains des allemands dans la foulée. Cependant, le 6 juin 1944 ne sonnera que le début de la Bataille de Caen qui rencontrera une issue victorieuse au 6 août 1944. 2300 tonnes de bombes s’abattront sur la ville est ses alentours en 78 jours , causant ainsi la mort de à civils. La Bataille de Normandie est lancée, navale et terrestre Le cuirassé Courbet – Bataille de Normandie Michel et l’équipage du 12 participent ainsi aux opérations navales véritables opérations en mer entre les unités allemandes et alliés qui prendront fin à la mi août Bataille navale en Normandie C’est ainsi qu’ils furent chargés d’escorter, protéger des convois de munitions à travers la Manche et d’effectuer diverses missions de ravitaillement en mer. Les Chasseurs de sous-marins, étant armés et plus petits pouvaient protéger les gros bateaux qui étaient beaucoup moins rapides et par conséquent plus facilement exposés aux tirs ennemis. Une mine en mer – 1944 Les deux camps utilisent le meilleur de leur flotte dont notamment des armes spéciales telles des sous-marins de poche et des torpilles guidées, de nombreuses mines sont déposées en mer par les parties. Cette bataille navale causa de grandes pertes humaines, les tempêtes en mer rajoutant aux difficultés rencontrées. Ainsi, du 18 juin au 22 juin 1944, une très forte tempête a lieu sur la Manche et rend impossible les actions des forces navales alliées et ennemies. Durant 5 jours ils sont exposés à la tempête la plus violente depuis 40 ans qui détruit largement le port artificiel allié Mulberry A » construit devant Omaha Beach et le rends Les ports artificiels flottants de Mulberry – Normandie Destructions causées par la tempête au 19 juin 1944 A la suite du débarquement, il restait encore la France à libérer, la guerre était bien loin de prendre fin. Les alliés récupéraient progressivement les régions occupées par les armées du IIIème Reich, engendrant de nombreuses pertes militaires et civiles jusqu’au 8 mai 1945, capitulation de l’Allemagne nazie. Du 15 décembre 1944 au 1er janvier 1945, Michel est affecté au Centre Administratif de la Marine Militaire de Paris, un organisme chargé de gérer le personnel marine de l’armée d’armistice, celle du régime de Vichy. Puis, du 1er janvier 1945 au 29 septembre 1945 Michel sera affecté à la Mission Militaires des Affaires Allemandes Créée par décret du 18 novembre 1944, cette mission consiste en la coordination des mesures sur les intérêts de la France en Allemagne occupée. C’est notamment au cours de cette période que Michel rejoint le STAFF de l’Amiral MUSELIER, nommé par le général de Gaulle en tant que chef de la délégation navale de la Certificat de bonne conduite de Michel établit par l’amiral Muselier – 1er avril 1946 Cependant, Michel va rencontrer des problèmes de santé importants. Il bénéficie ainsi d’un congé de convalescence qui est donné uniquement par l’armée lorsque les soldats sont dans un état de santé fragile et jugés par les médecins hors d’état de combattre. Il fera ainsi sa convalescence chez Madame Magnificat à AVALLON Yonne. Michel était ainsi affecté d’une pneumonie et d’une fatigue intense et psychique dont il peinait à se remettre. Il notera ainsi quelques années plus tard ce que lui inspirent les moments cruels vécus pendant la guerre 44 Tous ces êtres qui tuentOnt le cœur à tuerTous ces êtes qui meurent Ont-ils le cœur prêt ? Le 28 août 1945, Michel est renvoyé à la vie civile, il se retirera sur la commune d’ENTREPIERRES en Provence auprès de ses parents, revenus depuis peu du La plupart des soldats ayant répondu à l’appel du général de Gaulle au sein des FNFL étaient très jeunes. Nous ne sommes pas sans rappeler l’âge de Michel durant ses années de guerre au cours desquelles ils combattait entre ses 19 et 22 ans, ni des terribles faits vécus sur lesquels il restera silencieux. Son entourage l’ayant vu partir enfant, ne le reconnaissait pas sur le quai de la gare Saint-Lazare. Ils retrouvaient désormais un homme au regard terriblement Michel, comme tous les autres français libres, restera marqué à vie par ces années d’engagement, y laissant ainsi une partie de lui pour sauver sa patrie. Ses œuvres romanesques et poétiques en seront son principal témoignage, à commencer par La Montagne Morte de la Vie écrite en seulement 19 jours, n’épargnant pas même l’âme de ses visiteurs, in fine enfermée dans un corps meurtri. Venant d’un poète, l’unique témoignage de ses heures les plus durs se devait d’être imagé. Michel au retour de la guerreJuin 1945 Notes et références 14 juin 1940 Les Allemands entrent dans Paris, Auriane Viry, Revue des Deux Mondes, 14 juin 2017 [↩]Du 17 juin au 18 juin 1940, de la résignation à l’espoir, Le Point, 18 juin 2010 [↩]Bombardements et destructions à Bordeaux, Les résistants, France-3 [↩]Le Régime de Vichy, [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, création des FNFL dans un contexte de crise, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, création des FNFL dans un contexte de crise, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Résister sur les mers – Une histoire de la Marine Française Libre, Luc-Antoine Lenoir, Editions du Cerf, [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, les FNFL sur toutes les mers du globe, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Bataille de l’Atlantique de 1939-1945 – [↩]Résister sur les mers – Une histoire de la Marine Française Libre, Luc-Antoine Lenoir, Editions du Cerf, [↩]Site internet dédié au MELBOURNE STAR [↩]Liste des marins FNFL, mise à jour du 29/11/2011, Michel Bernanos – ; Services historiques de la défense SHD – Dossiers administratifs de résistantes et de résistants – [↩]Musée de l’Ordre de la Libération Hôtel National des Invalides – Paris 7ème – Vitrine consacrée à Michel Bernanos, comprenant notamment son acte d’engagement dans les Forces Françaises Libres du 11 mars 1943 [↩]Documents militaires personnels livret individuel réserviste de l’armée de mer – Marine Nationale [↩]Historique des Forces Navales Françaises Libres – Tome 5 – Mémorial Liste complète des Marins de la France Libre, André Bouchi Lamontagne, éditions Services Historiques de la Défense, 2002, 1094 p. [↩]Mémoire FNFL – [↩]Caserne Surcouf, siège des FNFL à Londres, dans une ancienne école religieuse au 40 South Side Clapham Common, [↩]Childhood Memories of Havent in the Second World War 1939 to 1945 – Lieux dans lesquels se situaient deux casernes Bir-Kakeim Allendale Avenue à Emsworth et Southleig Road – Hollybank Lane à Emsworth devenus des quartiers résidentiels [↩]Le tournant de Bir-Hakeim et ses conséquences pour l’École Navale, L’Ecole Navale des Forces navales Françaises Libres, – Grande Ecole Militaire de la Mer [↩]The Free French, Beaconsfield Historical Society, [↩]Les Forces Navales Françaises Libres, [↩]Libération Les communes compagnons – L’ile de Sein, Ordre de la Libération, Hôtel National des Invalides [↩]Classe chasseur 5 et autres unités [↩]Résister sur les mers – Une histoire de la Marine Française Libre, Luc-Antoine Lenoir, Editions du Cerf, [↩]Dictionnaire de la France Libre, Sous la direction de Jean-François Broche, de Georges Caitucoli et de Jean-François Muracciole, Coll. Bouquins, Editions Robert Laffont, [↩]Mémoire des Equipages des Marines de guerre, commerce, pêche et plaisance de 1939 à 1945, [↩]Navire du MAILLE-BREZE, Escorteur d’Escadre de la Marine Nationale, Musée naval [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Le Mur de l’Atlantique – [↩]Historique des Forces Navales Françaises Libres – Tome 4 – La Flotte Française de la liberté Historique de la Flotte et parcours de chaque bâtiment, Pierre Santarelli, éditions Services Historiques de la Défense, 2002, 221 p. [↩]Unterseeboot, les sous-marins allemands – [↩]Résister sur les mers – Une histoire de la Marine Française Libre, Luc-Antoine Lenoir, Editions du Cerf, [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Les cahiers bleus n°46, Hiver 1988-1989 1er trim. 1989, La grande aventure de la France Libre », Jean Livet, à 24 [↩]Michel Bernanos, L’insurgé, Salsa Bertin, Préface de Michel Estève, Editions de Paris, [↩]Georges Bernanos à la merci des passants, Jean-Loup Bernanos, Plon, 1988, [↩]Les Marins Français du Jour J – FNFL – NORMANDIE 44, Les couleurs de la France dans l’Armada alliée, Jean-Charles Stasi, éditions HEIMDAL, [↩]Utah Beach – [↩]Cols-Bleus – Marine Nationale, n°3079 – Juin 2019, [↩]Les cahiers bleus n°46, Hiver 1988-1989 – 1er Trim. 1989, La Grande Aventure de la France Libre », Jean Livet, à 24 [↩]Opérations navales pendant la bataille de Normandie, [↩]Les Ports Mulberry de Normandie – [↩]Institut de la gestion publique et du développement économique, Les relations économiques franco-allemandes de 1945 à 1955, Sylvie Lefèvre, Open édition Books, [↩]Michel Bernanos, L’insurgé, Salsa Bertin, Préface de Michel Estève, Editions de Paris, [↩]Bulletin individuel de démobilisation de Michel Bernanos consulté aux Services Historiques de la Défense de Vincennes – Cote GR 16 P 50793 [↩]Michel Bernanos L’insurgé, Salsa Bertin, préface de Michel Estève, Editions de Paris, [↩]
GeorgesBernanos, vers 1940. Les titres ci-dessous sont disponibles en téléchargement gratuit aux formats Mobipocket, EPUB, PDF, Word ou autres. Sous le soleil de Satan, 1926, via Ebooks libres Le 18 mai 2016, alors que les policiers manifestaient contre les violences dont ils sont victimes lors des manifestations, ceux qui sont à l'origine de ces agressions, les "antifas", attaquaient une voiture de police le long du canal Saint-Martin, quai de Valmy. Les images sont encore dans tous les esprits. Des énergumènes harcelaient des policiers, boxaient l'un d'entre eux puis le frappaient avec une barre de fer, avant d'incendier la voiture de police, par ailleurs cassée de partout. Après seize mois, la XVIe chambre a énoncé son verdict. Antonin Bernanos attire l'attention. Il est l'arrière-petit-fils de Georges Bernanos, ce grand écrivain chrétien, cette belle âme éprise de liberté que, malgré son gaullisme, le Général n'était pas parvenu à attacher à son char. Combattant courageux et blessé lors de la Grande Guerre, d'abord proche de l'Action française, puis adversaire du fascisme, Bernanos était certes un rebelle, mais sa rébellion, était morale plus que politique. C'était celle d'un écrivain, à la fois profond dans sa réflexion et talentueux imprécateur des péchés de notre monde. C'est avec consternation que l'on voit aujourd'hui son nom mêlé aux jeux débiles et violents de soixante-huitards attardés. Il y a des descendants qui sont des chutes vertigineuses. Antonin Bernanos est à la fois la vedette de ce procès et un symbole qui mérite qu'on s'y attarde. Il a été identifié par un membre de la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris dont le témoignage corrobore les images de l'agression. Sa défense consiste à nier sa participation aux faits. Il était là avant et après, à visage découvert, mais ce n'est pas lui qui a boxé le policier assis à son volant, ni brisé la lunette arrière du véhicule, même si ses vêtements et sous-vêtements visibles et ses bagues étaient semblables à ceux de l'agresseur masqué. Il en est à sa douzième poursuite pénale. Les onze autres ont été conclues par des relaxes ou des classements sans suite. Allez savoir si ce succès judiciaire est dû à un acharnement infondé de la police ou à une mansuétude particulière envers un étudiant au style très correct et qui parle aux magistrats "d'égal à égal" ! Le comble serait, en effet, que ce "révolutionnaire" sans cause ait été, jusqu'à présent, la preuve vivante d'une justice de classe... Malgré sa condamnation à cinq ans, dont trois avec sursis, il a été laissé en liberté. Le "pauvre" avait déjà effectué dix mois de détention préventive, et compte tenu de sa peine, il aurait été libéré dans deux mois. Lourdes peines, dites-vous ? Ses parents crient au scandale en dénonçant "l'acharnement du pouvoir politique", un "verdict lourd et injuste" et justifient "un jeune militant qui lutte contre la violence de l'État". Dans cette atmosphère très parisienne, on n'est pas loin de croire entendre un délire "bobo" gauchiste, complètement déconnecté de la réalité. Car si l'on peut critiquer légitimement notre société, et même considérer la démocratie comme une illusion, le changement ne risque pas d'être engendré par la violence, et encore moins par des échauffourées sporadiques avec des fonctionnaires de police qui ne font que leur travail. Deux aspects préoccupants se dégagent de cette affaire. Il y a d'abord une certaine perversité de l'intéressé qui soigne ses deux visages opposés. Docteur Antonin possède chez lui l'attirail du casseur de rue masque à gaz, casque et poing américain. Mais Mister Bernanos est posé, calme, s'exprime aisément et déclare ainsi devant le tribunal "pas de jugement moral" sur les événements. Ensuite, on ne peut qu'être atterré par le gâchis que représente cet individu. C'est d'abord l'aberration d'une Éducation nationale qui conduit de jeunes étudiants intelligents à s'enliser dans une pensée sans issue qui leur fait atteindre le sommet... de la stupidité. Au lieu d'ouvrir les esprits, comment l'université peut-elle enfermer une intelligence dans la vision étriquée d'un groupuscule ? Documentdactylographié recto-verso sur papier. Texte pamphlétaire de Georges Bernanos intitulé "Français, vos ancêtres ont été des hommes libres !' avec des vers de Guillaume Apollinaire manuscrit au verso. Citation de manuscrite de la "Prière à Jeanne d'Arc" de G. Bernanos en partie supérieure du document. LA LIBERTE POURQUOI FAIRE ?, GEORGES BERNANOS 1888-1948 21 Mars 2017 Rédigé par TRICOIRE CLAUDE et publié depuis Overblog La liberté, pour quoi faire?Georges BernanosParis, Gallimard, Un prophète n'est vraiment prophète qu'après sa mort, et jusque-là ce n'est pas un homme très fréquentable. Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Le monde moderne regorge aujourd'hui d'hommes d'affaires et de policiers, mais il a bien besoin d'entendre quelques voix libératrices. Une voix libre, si morose qu'elle soit, est toujours libératrice. Les voix libératrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter à attendre l'avenir comme on attend le train. L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait.» A son retour en France, en juin 1945, Georges Bernanos revient en France après six années où il s’est exilé au Brésil dès le début de la Seconde Guerre mondiale. Déçu par ce qu’il constate à son retour dans le monde politique il publie en 1948 une série d’articles et de conférence sous le titre La Liberté pourquoi faire ? où il reprend sans cesse les thèmes majeurs de sa Liberté pour quoi faire ?-La France devant le Monde de et L'Esprit veut dénoncer le monde moderne devenu esclave de la technique, le retour aux vieilles magouilles politiciennes pour redonner une âme à la France. Fidèle à ses idées il s’en prend aux élites enfermées sur elles-mêmes et il préconise pour la France au sortir de la Libération de placer la renaissance du pays sur le plan strictement spirituelA relire cet ouvrage aujourd’hui on peut se poser la question Bernanos n’a-t-il pas œuvre de prophète ? En dénonçant un monde où règne l’argent est roi, une technicité à outrance, une mondialisation déjà ! qui nivelle par le bas, où les politiques sont plus soucieux de leurs intérêts propres que du bien commun Bernanos donne raison à tous les polémistes déclinistes d’aujourd’hui. Mais rare sont ceux qui ont le talent, qui possèdent une prose aussi puissante d’un Bernanos ! Les débats actuels manquent d’une telle plume pour nous donner à penser véritablement C’est la dernière fois, à la veille de mourir, que Bernanos jette son défi d'homme libre au monde contemporain, tant il est vrai qu'une des fonctions de l'esprit est de réveiller sans cesse l'inquiétude, et de renverser toutes les garanties du confort intellectuel.Un prophète n'est vraiment prophète qu'après sa mort, et jusque-là ce n'est pas un homme très fréquentable. Je ne suis pas un prophète, mais il arrive que je voie ce que les autres voient comme moi, mais ne veulent pas voir. Le monde moderne regorge aujourd'hui d'hommes d'affaires et de policiers, mais il a bien besoin d'entendre quelques voix libératrices. Une voix libre, si morose qu'elle soit, est toujours libératrice. Les voix libératrices ne sont pas les voix apaisantes, les voix rassurantes. Elles ne se contentent pas de nous inviter à attendre l'avenir comme on attend le train. L'avenir est quelque chose qui se surmonte. On ne subit pas l'avenir, on le fait.»L’auteur Georges BernanosIl est né à Paris en grandit dans un milieu catholique qui influença profondément son orientation et lui fit prendre conscience très tôt de la valeur surnaturelle de la 1913, après avoir obtenu une licence en droit et en lettres, l’Action française lui confia la direction de l’avant garde de Normandie, hebdomadaire monarchiste de Rouen. S’il rompit avec l’Action française en 1926 après sa condamnation par Rome, il en restera commença sa carrière d’écrivain avec Sous le soleil de Satan 1926, roman qui eut un succès immédiat. Au mois de novembre, parut son Saint-Dominique, puis L’imposture 1927, La joie prix Femina de 1929 et Jean ne relapse les 1930, s’attaquant violemment à la bourgeoisie qui l’avait déçu, il rédigea La grande peur des Bien-Pensants. Dans un article du Figaro de 1931, il rompit alors avec Charles Maurras et l’Action française. Séjournant à Palma de Majorque d’octobre 1934 à mars 1937, il y suivit de prés les événements de la guerre civile. D’abord favorable aux franquistes, il s’en détourna au vu des rapports étroits entre l’Eglise et Franco. A ce moment il écrivit Les Grands Cimetières sous la lune, parus en 1938. Entre-temps avaient vu le jour Un Crime1935, Le journal d’un curé de campagne grand prix du roman de l’académie française,1936 et Nouvelle Histoire de Mouchette 1937. Il quitta les Baléares et l’année suivante en 1938, embarqua pour le Brésil où il jusqu’à la Libération en 1945. Parurent d’abord Le scandale de la Vérité et Nous autres français. Pendant la deuxième guerre mondiale, s’insurgeant contre le gouvernement de Pétain, il inspira l’esprit de la résistance avec la lettre aux anglais 1942Ecrit de combat1944Le chemin de la croix des âmes1945 où sont réunis des articles de juillet 1945, il rentra en France et ce qu’il y trouva provoqua son indignation. Il collabora quelque temps avec La bataille, le Figaro, Combat, Carrefour et l’Intransigeant, publia en 1946 Monsieur Ouine , son plus profond roman commencé en 1933 et, en 1947, La liberté, pourquoi faire ? et la France contre les robots. Quittant à nouveau la France, il s’installa en Tunisie. Mais il devait mourir à Paris le 5 juillet 1948. Partager cet article Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous GeorgesBernanos, Histoire d’un homme libre. de Yves Bernanos / Jean-Pascal Hattu. Georges Bernanos compte parmi les grandes figures littéraires du XXe siècle. Témoin engagé dans les grands événements de son temps, il a aussi été un "lanceur d’alerte" et un visionnaire. Toute sa vie durant, en France, en Espagne ou au Brésil, il combat les totalitarismes, les dérives
Georges Bernanos n’en finit pas de bouleverser. Assurément un des écrivains catholiques les plus marquants du XXe siècle, il est à l’origine de grands classiques tels que Sous le Soleil de Satan 1926, Dialogue des carmélites 1949, La France contre les robots 1947 ou encore Journal d’un curé de campagne 1936. Mais son œuvre fourmille également de nombreuses perles et réflexions sur la foi et la spiritualité. En 1947, à l’occasion de la Toussaint, c’est sûr nos amis les saints » que l’écrivain a décidé de s’exprimer. Nos amis les saints… Ces grandes destinées échappent, plus que toutes les autres, à n’importe quel déterminisme elles rayonnent, elles resplendissent d’une éclatante liberté », écrit-il. Mais ils ne sont pas pour autant des surhommes et des surfemmes. Ils sont les plus humains des plus humains », rappelle-t-il. Parce que chacun est appelé à la sainteté ici et maintenant, tel qu’il est et là où il est, il peut être bon de commencer par relire cet extrait de Georges Bernanos pour nous stimuler sur ce chemin !L’Église est une maison de famille, une maison paternelle, et il y a toujours du désordre dans ces maisons-là, les chaises ont parfois un pied de moins, les tables sont tachées d’encre, et les pots de confitures se vident tout seuls dans les armoires… La maison de Dieu est une maison d’hommes et non de surhommes. Les chrétiens ne sont pas des surhommes. Les saints pas davantage, ou moins encore, puisqu’ils sont les plus humains des humains. Les saints ne sont pas sublimes, ils n’ont pas besoin du sublime, c’est le sublime qui aurait plutôt besoin d’eux. Les saints ne sont pas des héros, à la manière des héros de Plutarque. Un héros nous donne l’illusion de dépasser l’humanité, le saint ne la dépasse pas, il l’assume, il s’efforce de la réaliser le mieux possible, comprenez-vous la différence ? Il s’efforce d’approcher le plus près possible de son modèle Jésus-Christ, c’est-à-dire de Celui qui a été parfaitement homme, avec une simplicité parfaite, au point, précisément, de déconcerter les héros en rassurant les autres, car le Christ n’est pas mort seulement pour les héros, il est mort aussi pour les lâches. […] le Christ veut bien ouvrir à ses martyrs la voie glorieuse d’un trépas sans peur, mais il veut aussi précéder chacun de nous dans les ténèbres de l’angoisse mortelle. La main ferme, impavide, peut au dernier pas chercher appui sur son épaule, mais la main qui tremble est sûre de rencontrer la sienne […] Nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, parce que nous sommes capables d’aimer. Les saints ont le génie de l’amour. Oh ! remarquez-le, il n’en est pas de ce génie-là comme de celui de l’artiste, par exemple, qui est le privilège d’un très petit nombre. Il serait plus exact de dire que le saint est l’homme qui sait trouver en lui, faire jaillir des profondeurs de son être, l’eau dont le Christ parlait à la Samaritaine Ceux qui en boivent n’ont jamais soif… » Elle est là en chacun de nous, la citerne profonde ouverte sous le ciel. Sans doute, la surface en est encombrée de débris, de branches brisées, de feuilles mortes, d’où monte une odeur de mort. Sur elle brille une sorte de lumière froide et dure, qui est celle de l’intelligence raisonneuse. Mais au-dessous de cette couche malsaine, l’eau est tout de suite si limpide et si pure ! Encore un peu plus profond, et l’âme se retrouve dans son élément natal, infiniment plus pur que l’eau la plus pure, cette lumière incréée qui baigne la création tout entière – en Lui était la Vie, et la Vie était la lumière des hommes – in ipso Vita erat et Vita erat lux hominum.
Lintransigeant Georges Bernanos (1888-1948) fut de ceux-là dont les hauts faits de plume plongèrent dans les plaies de leur temps. Chrétien Bateaux au jardin du Luxembourg. "In a higher world it is otherwise, but here below to live is to change, and to be perfect is to have changed often" Dans un monde supérieur, il en est autrement, mais ici-bas vivre, c’est changer ; être saint, c’est avoir beaucoup changé », John Henry NEWMAN, An Essay on the Development of Christian Doctrine 1845, I, 1, 7 éd. Green and Co, Longmans, Londres, 1878, p. 40. Vous êtes royaliste, disciple de Drumont – que mimporte ? Vous m’êtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d’Aragon – ces camarades que, pourtant, j’aimais », écrivit Simone Weil à Bernanos après avoir lu Les Grands cimetières sous la lune Correspondance inédite CI t. II, p. 203-204. Elle exprimait ainsi l’un des paradoxes de Bernanos. Profondément catholique, il n’hésite pas à dénoncer violemment les choix de l’église d’Espagne et l’ignoble évêque de Majorque » CI, t. II, p. 170 qui bénit le massacre des républicains en 1937, l’église italienne qui approuve Mussolini pour conserver ses privilèges et l’ordre », le clergé français timide durant la guerre. Admirateur de Drumont, il condamne l’antisémitisme en 1939, membre de l’Action française après avoir été Camelot du Roi, il la quitte non sans souffrance lorsque Rome la condamne, acceptant même de se brouiller définitivement avec Maurras, et se rallie à l’appel du 18 juin quand la plupart de ses anciens compagnons prennent le parti du maréchal Pétain. Royaliste, il titrait un article en novembre 1944 Je crois à la Révolution », poursuivant On me reproche parfois de trop parler de révolution. Mais ce n’est pas d’en parler qu’on me blâme ; on ne me pardonne pas d’y croire. Et j’y crois parce que je la vois. Je la vois partout dans le monde, mais je la vois plus clairement dans mon propre pays, parce qu’il y a commencé plus tôt, et c’est le général de Gaulle qui l’a faite » Écrits et œuvres de combat EEC, p. 939. Son second roman, L’imposture fut salué par Malraux comme par Antonin Artaud qui lui écrivit alors Votre “mort du curé Chevance” m’a donné une des émotions les plus tristes et les plus désespérées de ma vie. … Rarement chose ou homme m’a fait sentir la domination du malheur, rarement j’ai vu l’impasse d’une destinée farcie de fiel et de larmes, coincée de douleurs inutiles et noires comme dans ces pages dont le pouvoir hallucinatoire n’est rien à côté de ce suintement de désespoir qu’elles dégagent » et reconnaît en lui un frère en désolante lucidité » cf. Georges Bernanos à la merci des passants, Jean-Loup Bernanos, p. 194-195. Il est en revanche traité plus bas que terre par nombre de chrétiens » qui le vouent sans hésiter aux gémonies lorsque ses œuvres ne correspondent pas à l’idée que l’on se fait habituellement de la production d’un écrivain catholique. Sur le plan littéraire, peut-on parler d’une fidélité de l’écrivain ? Romancier, il se transforme en pamphlétaire à partir de 1936, renonçant à la joie de laisser se lever les personnages que son imagination faisait surgir. Et que dire des innombrables déménagements de la famille Bernanos, non seulement en France mais à Majorque, au Paraguay, étape pour le Brésil, puis en Tunisie, parce que la France de l’après-guerre lui est insupportable ? Quelle fidélité unifiait donc cet homme, dont les choix apparemment contradictoires laissèrent souvent perplexes ceux qui ne le connaissaient que par la rumeur, quand Jean de Fabrègues, au contraire, pouvait écrire Non, Bernanos n’avait pas changé il était resté fidèle à lui-même, à tout lui-même, à ce que les partis, la droite et la gauche, se partageaient, se disputaient… C’était lui, en vérité, qui restait le même, qui restait fidèle tel au dernier jour que nous l’avions connu au premier, tel en ces derniers mois qu’à l’époque du Soleil de Satan, ou, plus loin encore, de l’Avant-Garde de Rouen, fidèle à son “rêve”, à son âme » Bernanos tel qu’il était, Mame, 1963 ? Sans doute une des clefs de lecture se situe-t-elle dans l’idée que Bernanos se faisait de son métier d’écrivain. Le métier littéraire ne me tente pas », écrit-il déjà en 1919, il m’est imposé. C’est le seul moyen qui m’est donné de m’exprimer, c’est-à-dire de vivre. Pour tous une émancipation, une délivrance de l’homme intérieur, mais ici quelque chose de plus la condition de ma vie morale. Nul n’est moins art pour art, nul n’est moins amateur que moi. C’est pourquoi le mal est sans remède. En enterrant ma vocation, on m’enterre avec elle, et les idées dont je vis » CI, t. I, p. 167. Bien avant que le Soleil de Satan ne révèle le romancier, il vit son métier comme une vocation – vocatus », et cette perspective domine toute sa vie. Il précise en 1943 Le bon Dieu doit m’appeler chaque fois qu’il a besoin de moi et beaucoup de fois, et sur un ton comminatoire ! Alors je me lève en rechignant et sitôt la besogne faite, je retourne à ma vie très ordinaire » CI, t. II, p. 503. C’est pour être fidèle à cette vocation, à cet appel que Bernanos quitte le métier d’assureur après le succès du Soleil de Satan, qu’il abandonne le roman pour les œuvres de combat, écrivant le 14 mars 1937 Il est vraiment providentiel que je sois venu ici, à Majorque. J’ai compris. Je tâcherai de faire comprendre » et ce sera le brasier des Grands Cimetières sous la lune, qu’il s’exile volontairement en 1938, lorsque l’air » devient si raréfié » en Europe qu’il ne porte pas une parole libre » CI, t. II, p. 598 sq., lui faisant dire Je ne veux pas risquer de me damner ». Bernanos prend tous les moyens pour être fidèle à cette vocation dont il affirmait qu’elle était plus exigeante pour lui que les vœux d’un religieux. Risquer la critique n’est alors que le moindre des risques Qu’est-ce que je risque ? Mon prestige ? Il est à votre disposition, s’il m’en reste. J’ai eu du prestige, comme tout le monde …. Depuis la publication des Grands Cimetières, par exemple, celui que je tenais de la Critique s’est dissipé en fumée, la Critique fait autour de moi un silence que je voudrais croire auguste » Les Enfants humiliés, EEC, t. I, p. 874. La pauvreté dans laquelle Bernanos a toujours vécue est à ses yeux la stricte conséquence de cette fidélité. Bernanos est toujours à la recherche du pain de chaque jour pour les siens. Dévoré par la mission à remplir, il refusera toujours de faire carrière. Les critiques lui prédisent le succès, les honneurs Bernanos n’en veut pas. Par trois fois il refusera la Légion d’honneur, en 1927, 1928, 1946 ; il refuse d’entrer à l’Académie française, décline les postes de ministre que lui propose de Gaulle à la Libération. Ses livres se vendront toujours bien ; en administrant prudemment ses biens, il aurait pu mettre les siens à l’abri du besoin et des imprévus. Mais l’argent file entre ses doigts. Il se consacre à l’écriture comme n’importe quel travailleur à son métier quotidien La maison Plon, avec une sollicitude carnassière, me rétribue page par page. Pas de page, pas de pain. … [Q]uand le soir vient, j’ose à peine me moucher, de peur de trouver ma cervelle dans mon mouchoir » CI, t. II, p. 50, écrivant tout le jour dans des cafés pour ne pas oublier la réalité des visages humains et ne pas se laisser emporter par le rêve cf. Les Grands Cimetières sous la lune, EEC, t. I, p. 354, au moins tant qu’il est en Europe. La solitude de ses années brésiliennes n’en sera que plus grande. La plupart de ses déménagements, sinon tous, dériveront de cette pauvreté, Bernanos espérant chaque fois pouvoir faire vivre sa famille sinon mieux, du moins de manière décente. Car il lui faut bien souvent supplier Plon, son éditeur, de lui envoyer quelque subside Je ne peux plus vivre sur des avances, et ne possédant pas un seul “pétard” comme disait René de Chateaubriand il faut tout de même que je sache si je puis vivre au jour le jour de mon métier, même si je devais m’aider de collaborations régulières à des journaux. Si la maison Plon ne peut ou ne veut rien dans ce sens, qu’elle me laisse un délai raisonnable pour le remboursement … et qu’elle me permette de m’adresser ailleurs » CI, t. I, p. 535. Jusqu’à sa mort il connaîtra le combat du père de famille en quête de la subsistance de sept personnes ou plus. Combat torturant, car sa vocation de père n’est jamais opposée à celle d’écrivain elles sont deux aspects de sa vocation de chrétien. Il n’est pas l’homme de lettres » qui s’isole pour faire son œuvre ; il connaît, au contraire, la difficulté des départs, les maisons inconfortables, les meubles cassés, la perte des manuscrits et des objets auxquels on s’attache, les angoisses nées des maladies, des accidents. Il n’a rien d’un exalté qui entraîne sa famille dans de folles équipées, à la poursuite d’un rêve personnel. De Léon Bloy, il écrira ceci, qui semble le décrire personnellement Comme son brave homme de père, il était certainement né pour une carrière tranquille ... couronnée par la retraite. ... Mais Léon Bloy était appelé – vocatus – et il a retiré ses pantoufles, il est parti pour une vie de crève-la-faim, presque sans s’en apercevoir » Dans l’amitié de Léon Bloy, 1946. Le bon Dieu ne m’a pas mis une plume dans les mains pour rigoler avec » CI, t. II, p. 47. C’est par rapport à Dieu qu’il se situe lorsqu’il entreprend une œuvre Si je me sentais du goût pour la besogne que j’entreprends aujourd’hui, le courage me manquerait probablement de la poursuivre, parce que je n’y croirais pas » Les Grands Cimetières, EEC, t. I, p. 353, comme lorsqu’il est affronté au démon de [s]on cœur » le À quoi bon ? » qui lui ferait abandonner la lutte, aussi bien dans la vie que dans l’écriture. Car le premier devoir d’un écrivain est d’écrire ce qu’il pense, coûte que coûte. Ceux qui préfèrent mentir n’ont qu’à choisir un autre métier – celui de politicien, par exemple. Écrire ce qu’on pense ne signifie nullement écrire sans réflexion ni scrupule tout ce qui vous passe par la tête. … La vérité m’a prise au piège, voilà tout. En écrivant un livre comme Les Grands Cimetières sous la lune, je me suis trop engagé dans la vérité. Je n’en pourrais sortir désormais, même si je le voulais » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 675. L’œuvre de Bernanos est donc avant tout une quête de la vérité. Il lui voue sa vie et essaie de trouver, par un approfondissement constant de la réflexion, une simplification de l’être et de l’écriture. Pour moi le meilleur moyen d’atteindre la vérité, c’est d’aller au bout du vrai quels qu’en soient les risques », écrit-il dans Le Chemin de la Croix-des-Âmes. Il lui fallut parfois un beau courage que l’on pense, outre aux injures et insultes qu’il essuya souvent, à ce qu’il fallait de conscience et de détermination pour témoigner non après mais durant la guerre d’Espagne, alors qu’il était aux premières loges, à Palma de Majorque. Il fut au reste victime de deux tentatives d’attentat qui échouèrent, heureusement, mais écrivit à une de ses nièces Il paraît que cette canaille de Franco a mis ma tête à prix, et délégué ses meilleurs exécuteurs. Donc, si tu apprends que je me suis tué en jouant avec une arme à feu, étant un peu saoul, ne le crois pas, et défends ma mémoire ! CI, t. III, p. 311. En 1940 il écrit Les milieux catholiques m’ont donné ce qu’ils peuvent donner à qui ne les flatte pas – rien. Ils n’ont évidemment rien à dire à un écrivain qui, après le Soleil comme après le Journal d’un curé de campagne, a sacrifié deux fois les profits matériels d’un très grand succès à ce qu’il croyait son devoir, perdu deux fois, volontairement, un immense public dont, avec quelques concessions, il pouvait tirer honneur et fortune CI, t. II, p. 294-295. L’œuvre romanesque et l’œuvre de combat relèvent en fait d’une même pensée il s’agit pour Bernanos de dire chaque fois tout ce que je pense, avec toute la force dont je suis capable » Le Chemin de la Croix-des-Âmes, EEC, t. II, p. 661. Le Soleil de Satan naît de la guerre » Le crépuscule des vieux, p. 65, de l’aveu même de Bernanos La guerre m’a laissé ahuri, comme tout le monde, de l’immense disproportion entre l’énormité du sacrifice et la misère de l’idéologie proposée par la presse et les gouvernements… Et puis encore, notre espérance était malade, ainsi qu’un organe surmené. La religion du Progrès, pour laquelle on nous avait poliment priés de mourir, est en effet une gigantesque escroquerie à l’espérance. … Eh bien ! j’ai cette fois encore fait comme tout le monde. J’ai démobilisé mon cœur et mon cerveau. J’ai cherché à comprendre » Ibid., p. 28. Je savais que ce n’étaient pas les grandes choses, c’étaient les mots qui mentaient. La leçon de la guerre allait se perdre dans une immense gaudriole. … Qu’aurais-je jeté en travers de cette joie obscène, sinon un saint ? À quoi contraindre les mots rebelles, sinon à définir, par pénitence, la plus haute réalité que puisse connaître l’homme aidé de la grâce, la Sainteté ? » Ibid., p. 68. Toute l’œuvre à venir se trouve déjà dans les principes qui président à la création de ce roman la sainteté et l’ordre surnaturel du monde, le poids de vérité qu’il s’agit de rendre aux mots, la lutte contre les idéologies – en particulier contre l’imposture du Progrès –, la figure centrale de l’enfance bafouée Mouchette et ignorante d’elle-même etc. Les modalités n’en sont ensuite que secondaires, dans la mesure où elles sont subordonnées à une certaine idée de la condition de l’homme » indissoluble pour lui d’une vision catholique du réel », selon le titre d’une conférence faite en 1927 à Bruxelles cf. Le crépuscule des vieux. Il y a … longtemps, affirme-t-il en 1943, que je crois qu’un véritable écrivain n’est que l’intendant et le dispensateur de biens qui ne lui appartiennent pas, qu’il reçoit de certaines consciences pour les transmettre à d’autres, et s’il manque à ce devoir, il est moins qu’un chien. – Ceci, selon moi, n’est qu’un aspect de cette coopération universelle des âmes que la théologie catholique appelle la Communion des saints. Que ce nom de saints, ne vous fasse pas peur, si vous n’êtes pas chrétien !... Il est pris ici dans son sens évangélique. C’est le pseudonyme de bonne volonté. – » CI, t. II, p. 510-511. Bernanos reconnaît bien volontiers qu’il a reçu beaucoup de son enfance, à laquelle il est toujours redevable Quant à mes livres, ce qu’ils ont de bon vient de très loin, de ma jeunesse, de mon enfance, des sources profondes de mon enfance » CI, t. II, p. 502. Ne disait-il pas déjà dans Les Grands Cimetières sous la lune Qu’importe ma vie ! Je veux seulement qu’elle reste jusqu’au bout fidèle à l’enfant que je fus. Oui, ce que j’ai d’honneur et ce peu de courage, je le tiens de l’être aujourd’hui pour moi mystérieux qui trottait sous la pluie de septembre, à travers les pâturages ruisselants d’eau … de l’enfant que je fus et qui est à présent pour moi comme un aïeul. EEC, t. I, p. 404. Les héros bernanosiens se présentent tous le curé de Lumbres doit acquérir durement cette qualité comme des enfants. Jeunes pour la plupart, ils en ont gardé la fraîcheur peut-être, l’innocence, la capacité de s’émerveiller et de faire confiance, parfois accompagnée d’une certaine maladresse devant les puissants, ceux qui réussissent dans la vie. N’est-ce pas au reste ce que leur entourage reproche à Chantal dans La Joie, au curé d’Ambricourt dans Le Curé de campagne, à Constance dans les Dialogues des Carmélites ? La gaieté des saints qui nous rassure par une espèce de bonhomie familière n’est sûrement pas moins profonde que leur tristesse, mais nous la croyons volontiers naïve, parce qu’elle ne laisse paraître aucune recherche, aucun effort, ni ce douloureux retour sur soi-même qui fait grincer l’ironie de Molière au point précis où l’observation des ridicules d’autrui s’articule à l’expérience intime », lit-on dans La Joie OR, p. 599. Chantal ne se préoccupe pas de sa vie, qu’elle voit toute petite », alors que son entourage se demande ce qu’elle fera demain. Mais c’est qu’il n’y a pas de demain pour elle l’important est à ses yeux de faire parfaitement les choses faciles » OR, p. 558, de se donner à chaque instant sans réserve Beaucoup d’être se sacrifient, qui n’auraient pas le courage de se donner » OR, p. 586. Il serait faux en effet de penser que Bernanos, tel les romantiques, regrette le temps de l’enfance. Elle est pour lui devant et non derrière Si je marche à ma fin, comme tout le monde », écrit-il, c’est le visage tourné vers ce qui commence, qui n’arrête pas de commencer, qui commence et ne se recommence jamais, ô victoire ! » Les Enfants humiliés, EEC, t. I, p. 107. L’abbé Chevance, dans L’imposture, est tout aussi enfant que sa fille spirituelle, Chantal, malgré son grand âge. Bernanos n’écrit-il pas Dans l’état présent du monde, devenir un vieillard est presque aussi difficile que de devenir un Saint. Vous croyez qu’on entre dans la vieillesse par ancienneté, imbéciles ! Vous n’êtes pas des vieillards, vous êtes des vieux, des retraités » Français si vous saviez…, EEC, t. II, p. 201-202 ? La véritable vieillesse est un accueil du jour fidèle à l’enfance. Lui-même avoue ailleurs J’ai perdu l’enfance, je ne pourrais la reconquérir que par la sainteté » CI, t. II, p. 503. L’enfance est avant tout une confiance en l’avenir, une manière de vivre l’aujourd’hui sans s’inquiéter du lendemain ni se laisser appesantir par le passé, sans se laisser arrêter ou seulement ralentir par la peur. Or Bernanos est sujet, depuis l’enfance, à de terribles crises d’angoisse. On sait qu’il tira un jour un coup de carabine sur le miroir qui le reflétait ; on se souvient moins, souvent, qu’il vécut la guerre des tranchées, ce petit espace de quelques lieues carrées, grouillant de moribonds » CI, t. I, p. 104, fut enterré vivant sous un obus durant la guerre et resta plusieurs minutes terribles sous l’avalanche de terre et de fer », suspendu entre vie et mort ; qu’en 1923 une perforation intestinale, aggravée d’un abcès, d’une infection des reins, d’une cystite, le cloua le ventre entrouvert » près de deux mois sans antibiotiques, évidemment ; que deux accidents de moto le laisseront infirme… Choisir la vie », selon le précepte biblique, n’est donc pas un vain mot pour lui. Est-il inconvenant de penser que la description si prégnante qu’il fit bien souvent du suicide 12 dans ses œuvres romanesques ! dérive aussi de pensées qui l’assaillirent parfois, même s’il les refusait aussitôt ? Lorsqu’il écrit Il est peu d’hommes qui, à une heure de la vie, honteux de leur faiblesse ou de leurs vices, incapables de leur faire front, d’en surmonter l’humiliation rédemptrice, n’aient été tentés de se glisser hors d’eux-mêmes, à pas de loup, ainsi que d’un mauvais lieu » Les enfants humiliés, EEC, t. I, p. 831, il ne parle pas que des autres, il sait le poids de l’être et ce qu’est la tentation du désespoir » Sous le Soleil de Satan, titre de la Première partie, chap. 1, OR, p. 116 sq.. Bernanos était dans la vie un homme très gai il avoue fuir la compagnie de ses enfants pour travailler non parce que leur bruit le gêne, mais parce qu’il a toujours envie d’aller jouer avec eux, et son rire était contagieux ; il n’est pas question d’en faire un écrivain déprimé qui cultiverait le noir et écrirait pour se défouler. Il était tout au contraire un homme qui aimait passionnément la vie et le doux Royaume de la Terre ». C’est pourquoi il pouvait parler d’ un désespoir inflexible qui n’est peut-être que l’inflexible refus de désespérer. Je viens d’écrire ce mot de désespoir par défi. Je sais parfaitement qu’il ne signifie plus rien pour moi. Autre chose est de souffrir l’agonie du désespoir, autre chose le désespoir lui-même. … [L]’espérance est une victoire, et il n’y a pas de victoire sans risque. Celui qui espère réellement, qui se repose dans l’espérance, est un homme revenu de loin, de très loin, revenu sain et sauf d’une grande aventure spirituelle, où il aurait dû mille fois périr. ... Celui qui, un soir de désastre, piétiné par les lâches, désespérant de tout, brûle sa dernière cartouche en pleurant de rage, celui-là meurt, sans le savoir, en pleine effusion de l’espérance. ... Si j’ai les œuvres de l’espérance, l’avenir le dira. L’avenir dira si chacun de mes livres n’est pas un désespoir surmonté. Le vieil homme ne résistera pas toujours ; le vieux bâtiment ne tiendra pas toujours la mer ; il suffit bien qu’il puisse se maintenir jusqu’à la fin debout à la lame, et que celle qui le coulera soit aussi celle qui l’aura levé le plus haut » Français, si vous saviez…, EEC, t. II, p. 1174. L’espérance, vertu de qui a traversé l’épreuve, caractérise les personnages bernanosiens tout autant que de leur créateur. Comme lui, ils savent que [p]our rencontrer l’espérance, il faut être allé au delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. … L’espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l’âme. La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté » La Liberté pour quoi faire ?, EEC, t. II, p. 1262-1263. L’espérance est un risque à courir », comme l’avenir lui-même, [e]lle est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme » La Liberté…, p. 1315. Bernanos tenait ainsi particulièrement au chapitre du Journal racontant la rencontre entre le légionnaire et le curé d’Ambricourt, où celui-ci connaît le risque béni de la jeunesse et reçoit la révélation de l’amitié Le chapitre que je viens d’écrire, je l’avais sur le cœur, depuis des mois, presque depuis la première ligne de mon livre ». Il précise immédiatement Ce n’est pas qu’il vaut mieux que les autres, mais de tous mes bouquins celui-ci est certainement le plus testamentaire. Pour que l’obscur sacrifice de mon héros soit parfait, je veux qu’il ait aimé, et compris, à une minute de sa vie, ce que j’ai tant aimé moi-même. J’avais besoin d’un grand matin triomphal, et de la parole d’un soldat » CI, t. II, p. 120. Ses personnages connaissent aussi bien la vertu de l’espérance que ses difficultés. Si Chantal et l’abbé Chevance, saints lumineux, vivent comme naturellement en elle, ils agonisent pourtant dans des tentations proches du désespoir et ont besoin de la compassion d’autrui pour la surmonter. Un bref dialogue de La Joie OR, p. 675 en rend l’essentiel J’ai trop méprisé la peur, avouait-il un jour, j’étais jeune, j’avais le sang chaud. Comment ! C’est vous qui parlez ainsi, s’était-elle écriée, vous ? Est-ce que vous allez faire entrer la peur dans le paradis ? … Pas si vite ! Pas si vite ! En un sens, voyez-vous, la peur est tout de même la fille de Dieu, rachetée la nuit du Vendredi saint. Elle n’est pas belle à voir – non ! – tantôt raillée, tantôt maudite, renoncée par tous… Et cependant, ne vous y trompez pas elle est au chevet de chaque agonie, elle intercède pour l’homme. » L’espérance est pour Bernanos non pas le contraire de la peur, mais l’inverse du rêve J’ai mis trente ans à reconnaître que je n’avais rien, absolument rien. Ce qui pèse dans l’homme, c’est le rêve…, affirme Chevance dans La Joie OR, p. 615. Elle est la vertu des forts, de ceux qui choisissent de renoncer aux illusions, aux mensonges sur autrui comme sur soi-même. Ainsi l’abbé Chevance reprend-il fermement, presque violemment, le menteur et le pécheur lorsqu’ils s’attaquent à Dieu et à eux-mêmes c’est tout un Vous avez été cruelle exprès, comprenez-vous ? C’est comme si vous aviez tué votre âme, pour en finir, d’un seul coup » L’imposture, OR, p. 491. L’imposture, qui précède La Joie et en constitue le premier volet, présente de manière poignante l’inverse de ces enfants » que sont les saints. Bernanos y critique la médiocrité des gens d’Église pactisant avec l’esprit du monde et l’ambition, le désir de gloire, le vide… Lorsque l’abbé Cénabre, brillant intellectuel, écrivain de renom, se tourne vers son enfance, il n’y voit que l’ambition de sortir d’un milieu qu’il méprise et avec lequel il décide qu’il n’aura jamais rien en commun » OR, p. 460, un immense orgueil » et une volonté qui ne pourra pas être pliée mais seulement brisée. Chacun de ses pas », écrit le narrateur, avait été une rupture avec le passé », chacun avait été aussi un progrès dans le mensonge. Car [p]our mentir utilement, avec efficace et sécurité plénière, il faut connaître son mensonge et s’exercer à l’aimer ». Ce même orgueil qui le pousse à refuser l’enfant qu’il aurait pu être, qu’il était avant le choix du mensonge, en fait un prêtre sans la foi », le pire des imposteurs. Pourtant, il cédera au À quoi bon ? », sinistre parole … au principe de tous les abandonnements » OR, p. 461. Il en arrive à des gestes absurdes, que lui-même ne s’explique pas, refuse la beauté qui l’entoure et la science qui fut sa gloire ; car lorsque l’âme est morte, plus rien ne peut vivifier l’être Monsieur Ouine, dont la curiosité démoniaque, l’avide désir de percer le secret des âmes, a causé le désespoir et/ou la mort de plusieurs personnes, découvre au moment de mourir non pas qu’il n’a rien, comme l’abbé Chevance, mais qu’il n’est rien, qu’il est vide » [E]st-ce possible ? Je me vois maintenant jusqu’au fond, rien n’arrête ma vue, aucun obstacle. Il n’y a rien. Retenez ce mot rien ! » Mais l’être ne peut vivre ainsi, et Monsieur Ouine ajoute presque aussitôt J’ai faim. … Je suis enragé de faim, je crève de faim. … On ne me remplira plus désormais. … Hélas ! qu’eussé-je partagé ? Je désirais, je m’enflais de désir au lieu de rassasier ma faim, je ne m’incorporais nulle substance, ni bien ni mal, mon âme n’est qu’une outre pleine de vent. … Je n’ai même pas un remords à lui jeter pour tromper sa faim …. Au point où je me trouve, il ne me faudrait pas moins de toute une vie pour réussir à former un remords. … Toute une vie, une longue vie, toute une enfance… une nouvelle enfance. … Je ne puis déjà plus rien donner à personne, je le sais, je ne puis probablement plus rien recevoir non plus » Monsieur Ouine, OR, p. 1552-1555. Tant d’hommes naissent, vivent et meurent sans s’être une seule fois servis de leur âme ». La fidélité à l’enfance est au contraire une fidélité au don de soi et à la capacité de tout recevoir sans jamais s’approprier le don reçu. C’est le miracle des mains vides » dont parle le petit curé d’Ambricourt, qui permet de donner à chacun ce dont il a besoin alors même qu’on pense ne pas le posséder pour soi. Il permet de faire face », selon l’expression favorite de Bernanos, à la fois à la monotonie du quotidien et à l’extraordinaire d’événements déroutants, jusqu’au plus important de tous, la mort J’entends bien qu’un homme sûr de lui-même, de son courage, puisse désirer faire de son agonie une chose parfaite, accomplie. Faute de mieux, la mienne sera ce qu’elle pourra, rien de plus. … Car l’agonie humaine est d’abord un acte d’amour. … Pourquoi m’inquiéter ? Pourquoi prévoir ? Si j’ai peur, je dirai j’ai peur, sans honte. Que le premier regard du Seigneur, lorsque m’apparaîtra sa Sainte Face, soit donc un regard qui rassure ! » Journal d’un curé de campagne, OR, p. 1256. Car la suave enfance monte la première des profondeurs de toute agonie » Monsieur Ouine, OR, p. 1428. Se jetant à corps perdu dans la vie, au contraire de tous ceux qui autour d’eux préfèrent les demi-mesures, les abdications discrètes, les renoncements silencieux, les enfants », les saints de l’œuvre bernanosienne ne renoncent jamais, car il n’est d’autre mesure pour l’homme que de se donner sans mesure à des valeurs qui dépassent infiniment le champ de sa propre vie » Lettre aux Anglais, EEC, t. II, p. 58. L’épreuve les frappe comme tout un chacun, mais ils l’enveloppent en quelque sorte de la douceur de l’impuissance convaincus qu’ils ne peuvent rien par eux-mêmes, ils s’en remettent à Dieu et ne se préoccupent pas d’être ou non des témoins, des modèles ou des objets de scandale la mort du curé d’Ambricourt chez son ancien collègue de séminaire, prêtre défroqué, malade vivant en concubinage avec une pauvre fille, son ancienne infirmière peut bien sembler déconcertante aux yeux des bien-pensants, elle est le lieu où le prêtre accomplit pleinement sa vocation, où il se réconcilie » définitivement avec lui-même, avec cette pauvre dépouille » Journal d’un curé de campagne, OR, p. 1258. Car Ce n’est pas l’épreuve qui déchire, c’est la résistance qu’on y fait. Je me laisse arracher par Dieu ce qu’il voudrait que je lui donne. ... Certes, je n’ignore point que Dieu me veut tout entier, et j’ai toujours quelque chose à lui dérober, je ruse avec lui risiblement. C’est comme si je voulais éviter son regard, qu’il a si fermement posé sur moi, pour toujours. Au premier signe de soumission, tout s’apaise. La douleur a retrouvé, dedans, son équilibre » août 1918. En définitive, nous sommes nous-mêmes l’épreuve qu’il nous faut courir. Le curé d’Ambricourt reconnaît au moment de sa mort Il est plus facile que l’on croit de se haïr. La grâce est de s’oublier. Mais si tout orgueil était mort en nous, la grâce des grâces serait de s’aimer humblement soi-même, comme n’importe lequel des membres souffrants de Jésus-Christ » Journal, OR, p. 1258. Ces propos rejoignent ceux des Enfants humiliés, écrits presque en même temps La difficulté n’est pas d’aimer son prochain comme soi-même, c’est de s’aimer assez pour que la stricte observation du précepte ne fasse pas tort au prochain » EEC, t. I, p. 827. Contre l’épreuve que nous sommes à nous-mêmes, il n’est d’autre remède, pour Bernanos, que de s’en remettre à Dieu de toute chose, en évitant à tout prix le mépris, en ne comptant jamais que sur cette espèce de courage que Dieu dispense au jour le jour, et comme sou par sou » Dialogues, OR, p. 1652. Qu’importent alors les changements, les imprévus, les humiliations de toutes sortes, les choix crucifiants… L’important est d’avancer, toujours. Les pages de Bernanos sur la beauté de la route dans Monsieur Ouine en disent quelque chose Qui n’a pas vu la route à l’aube, entre ses deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance » OR, p. 1409, pense Philippe. Et cette route le pousse à s’interroger sur l’importance du jour présent “Pourquoi pas demain ? Demain, il serait trop tard. L’occasion perdue ne se retrouvera pas. À vingt-quatre heures près, se dit-il avec ivresse, on perd sa vie.” Et certaine voix caressante jamais entendue, aussi terrible dans ce matin clair que l’image de la volupté sur un visage d’enfant, soupire indéfiniment “Perds-la ! perds-la !” Certaine phrase, lue quelque part il ne sait où, hélas ! va et vient dans sa mémoire avec la régularité d’un battant d’horloge. “Qui veut sauver son âme la perdra… qui veut sauver son âme… qui veut sauver…” Zut ! » Monsieur Ouine, OR, p. 1408-1409. Philippe renonce pourtant. Blanche de la Force, la petite sœur Blanche de l’Agonie du Christ », qui rappelle Jeanne relapse et sainte », semble dans un premier temps assez semblable désespérant de pouvoir surmonter sa peur, elle abandonne sa communauté et fuit au château de son père. Lorsque Mère Marie vient la chercher, lui rappelant le vœu de martyre qu’elle a prononcé, Blanche se réfugie dans sa peur et dans le mépris qu’elle inspire. Mais le malheur … n’est pas d’être méprisée, mais seulement de se mépriser soi-même », lui rappelle la religieuse, car cela incite à toutes les démissions et ouvre la porte au désespoir, qui ferme, lui, tout avenir. Blanche, comme Jeanne, reviendra sur le moment de lassitude, de peur, de faiblesse, qui lui fit renoncer un temps non seulement à la parole donnée mais à la vérité qu’elles entrevoyaient. La dernière à l’échafaud », elle reprendra la prière des carmélites guillotinées et, s’offrant d’elle-même au bourreau, portera leur prière à son terme. Elle assumera alors, sans trop savoir comment, le don de la fidélité d’une autre. Car la fidélité au don de l’enfance, au don tout court, est essentielle non seulement pour soi mais pour autrui. Il faut voir là une conséquence de la Communion des saints, dogme essentiel pour Bernanos. De même que nous pouvons prier les uns à la place des autres » Dialogues des carmélites, OR, p. 1586, de même [o]n ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ? » Dialogues, OR, p. 1613. La vie nous engage donc bien au delà de ce que nous pourrions imaginer ou appréhender. C’est pourquoi il est essentiel, aux yeux de Bernanos, d’y faire tout son possible, dans le domaine qui est le nôtre, à la place où Dieu nous a mis » d’autres, dont nous ne saurons peut-être jamais rien ici-bas, dépendent de notre fidélité. Son engagement littéraire, sa fidélité à sa vocation naissent de cette conviction. Qui ne défend la liberté de penser que pour soi-même, en effet, est déjà disposé à la trahir. Il ne s’agit pas de savoir si cette liberté rend les hommes heureux, ou si même elle les rend moraux. … Il me suffit qu’elle rende l’homme plus homme, plus digne de sa redoutable vocation d’homme, de sa vocation selon la nature, mais aussi de sa vocation surnaturelle » La France contre les robots, EEC, t. II, p. 989. Je ne me sens pas du tout la conscience du monde », explique Bernanos à la fin des Enfants humiliés. Mais c’est assez dire que la petite part de vérité dont je dispose, je l’ai mise, ici, à l’abri des menteurs. S’il ne dépendait que de moi, je voudrais l’enfouir encore plus profond, car c’est à elle que je tiens …. J’ai reçu ma part de vérité comme chacun de vous a reçu la sienne, et j’ai compris très tard que je n’y ajouterai rien, que mon seul espoir de la servir est seulement d’y conformer mon témoignage et ma vie. Peu de gens renient leur vérité, aucun peut-être… ils se contentent de la tempérer, de l’affaiblir, de la diluer. “Ils mettent de l’eau dans leur vin”, comme cette expression populaire me paraît juste, profonde ! Mais elle ne convient pas à toutes les espèces de trahisons envers soi-même. … Je comprends de plus en plus que je n’ajouterai rien à la vérité dont j’ai le dépôt, je ne pourrais m’en donner l’illusion. C’est moi-même qui devrais me mettre à sa mesure, car elle étouffe en moi, je suis sa prison, et non pas son autel » EEC, t. I, p. 901-902. Son journal des dernières années, son agonie et sa mort À nous deux ! » lui lança-t-il au dernier moment témoignent de la fidélité avec laquelle il chercha à se rendre adéquat à cette vérité. Bibliographie Georges Bernanos, Œuvres romanesques, Pléiade, 1962, 1992 Essais et écrits de combat, t. I, Pléiade, 1971, 1988 t. II, Pléiade, 1995 Correspondance inédite, t. I et II, Plon, 1971 t. III, Plon, 1983 Le Crépuscule des vieux, Gallimard, NRF, 1956 Jean-Loup Bernanos, Georges Bernanos à la merci des passants, Plon, 1986 h55QxB.
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