Visiteur PostĂ© le mardi 26 aoĂ»t 2014 23:10 . ce poĂ©me je les appris en 6eme cĂ©tait pas claire dans ma tete je croyais qu'il parle d'une personne vivante je l'avais meme oublier mais en 2nd on a pris ce poĂ©me pourï»żNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme Ćil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille nĆuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. Au dolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854. 1843est une annĂ©e noire pour Victor Hugo. Le naufrage de "Les Burgraves" et la mort de sa fille entraĂźneront Victor Hugo dans l'incuriositĂ© et le dĂ©samour pour la littĂ©rature et la crĂ©ation. C'est Ă partir de cette date que Victor ne crĂ©era plus rien jusqu'Ă son exil en 1851 : aucun poĂšme, aucune piĂšce de théùtre, aucun roman.
Le 3 fĂ©vrier 1829, la premiĂšre Ă©dition, anonyme, du Dernier Jour d'un CondamnĂ© dĂ©route les critiques comment ? On ne connaĂźt mĂȘme pas le crime du personnage principal !... MĂȘme pas un mois plus tard, Victor Hugo ajoute une prĂ©face sous forme de comĂ©die, oĂč il met en scĂšne ses dĂ©tracteurs LE POĂTE ĂLĂGIAQUE â Ce criminel, [...] quâa-t-il fait ? on nâen sait rien. [...] Moi, Jâeusse contĂ© lâhistoire de mon condamnĂ©. [...] Un crime qui nâen soit pas un. Et puis des remords, [...] beaucoup de remords. Mais [...] il faut quâil meure. Et lĂ jâaurais traitĂ© ma question de la peine de mort. LE PHILOSOPHE â Pardon. Le livre, comme lâentend monsieur, ne prouverait rien. La particularitĂ© ne rĂ©git pas la gĂ©nĂ©ralitĂ©. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1829. En 1832, Victor Hugo publie une nouvelle prĂ©face, oĂč il rĂ©vĂšle enfin, sans ambiguĂŻtĂ©, son projet littĂ©raire L'auteur [...] avoue hautement que Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© n'est autre chose qu'un plaidoyer [...] pour l'abolition de la peine de mort. Ce qu'il a eu dessein de faire, [...] ce n'est pas la dĂ©fense [...] toujours transitoire, [...] de tel ou tel accusĂ© [...] c'est la plaidoirie gĂ©nĂ©rale et permanente pour tous les accusĂ©s prĂ©sents et Ă venir. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1832. Vous connaissez les types de texte ici, on va plutĂŽt trouver du narratif et du descriptif, mais, pour expliquer et argumenter de façon sous-jacente. On parle ainsi d'argumentation indirecte ou d'apologue quand la visĂ©e argumentative passe par le rĂ©cit. On dĂ©signe souvent Le Dernier Jour dâun CondamnĂ© comme un roman Ă thĂšse la rĂ©flexion philosophique et politique dirige l'intrigue. Mais on va voir que la question du genre littĂ©raire est plus complexe que cela. En tout cas, on va rester attentifs Ă tous les arguments de Victor Hugo contre la peine de mort, cachĂ©s dans le rĂ©cit. I â BicĂȘtre. CondamnĂ© Ă mort ! VoilĂ cinq semaines que jâhabite avec cette pensĂ©e, toujours seul avec elle, toujours glacĂ© de sa prĂ©sence. Autrefois [...] j'Ă©tais un homme comme un autre homme. [...] Maintenant je suis captif [...] d'une idĂ©e [...] Elle est toujours lĂ , [...] comme un spectre de plomb Ă mes cĂŽtĂ©s. [...] Je nâai plus quâune pensĂ©e, quâune conviction, quâune certitude condamnĂ© Ă mort ! DĂšs les premiers mots, le passĂ© s'oppose au prĂ©sent Ă partir du moment oĂč l'accusĂ© se sait condamnĂ©, il n'est plus un homme, en tout cas, il n'est plus un homme comme un autre homme. Symboliquement, il a quittĂ© le monde des vivants. Victor Hugo joue sans cesse avec les registres littĂ©raires. D'abord le pathĂ©tique, pour inspirer la pitiĂ©, avec des exclamations, rĂ©pĂ©titions, souffrances concrĂštes, effets d'amplification. Mais on tend aussi vers le registre lyrique l'expression poĂ©tique d'une douleur Ă la premiĂšre personne. On peut mĂȘme parler d'un lyrisme Ă©lĂ©giaque cette douleur est causĂ©e par une perte, un deuil, la fuite du temps, la mort. D'ailleurs, tout le texte sera Ă la premiĂšre personne. Quel est ce genre littĂ©raire ? Une autobiographie ? Des MĂ©moires ? Non le narrateur n'est pas un auteur rĂ©el, il n'a pas de rĂŽle historique. Ici, le dĂ©roulement des pensĂ©es rappelle le monologue intĂ©rieur et les entrĂ©es Ă intervalles rĂ©guliers Ă©voquent le Journal, mais on ne trouve pas de dates. Dans ses prĂ©faces, Victor Hugo ne tranche pas, il semble surtout vouloir jouer avec l'effet de vraisemblance Ou il y a eu, en effet, une liasse de papiers [...] sur lesquels on a trouvĂ© [...] les derniĂšres pensĂ©es dâun misĂ©rable ; ou il sâest rencontrĂ© un homme, [...] un poĂšte, [...] [saisi par] cette idĂ©e, [et qui] nâa pu sâen dĂ©barrasser quâen la jetant dans ce livre. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, Retour en arriĂšre, le narrateur nâest pour lâinstant quâun simple accusĂ©, que le guichetier emmĂšne en salle dâaudience CâĂ©tait par une belle matinĂ©e dâaoĂ»t. Il y avait trois jours que mon procĂšs Ă©tait entamĂ©, trois jours que mon nom et mon crime ralliaient chaque matin une nuĂ©e de spectateurs, qui venaient sâabattre sur les bancs de la salle dâaudience comme des corbeaux autour dâun cadavre. C'est ici une premiĂšre rĂ©fĂ©rence au théùtre la peine de mort attise la curiositĂ© et devient un spectacle, on parlerait aujourd'hui d'un théùtre mĂ©diatique. Mais cela va plus loin... Les corbeaux reprĂ©sentent les gens de la cour de justice comme des charognards qui se nourrissent des morts. C'est un premier argument contre la peine de mort elle dĂ©shumanise la sociĂ©tĂ©. Vous allez voir que Victor Hugo utilise souvent des images impressionnantes, car il souhaite convaincre, et persuader. Convaincre, c'est faire appel Ă des arguments rationnels. Persuader, sollicite en plus des Ă©motions, et donc, des images. Or justement, la comparaison va relier les deux dimensions, regardez derriĂšre l'argument rationnel les hommes ont une fascination pour la mort, on trouve une image Ă©motive les corbeaux se nourrissent d'un cadavre. Le point commun, c'est l'horreur instinctive que nous inspirent les charognards. Ă ce moment du rĂ©cit, lâaccusĂ© nâest pas encore condamnĂ© Ă mort, mais son destin est dĂ©jĂ annoncĂ© par cette image de cadavre. Victor Hugo joue avec le registre tragique le hĂ©ros est Ă©crasĂ© par un destin, une fatalitĂ© qui le dĂ©passe. Quand lâaccusĂ© arrive Ă sa place, il se fait un grand silence Au moment oĂč le tumulte cessa dans la foule, il cessa aussi dans mes idĂ©es. Je compris tout Ă coup clairement [...] que le moment dĂ©cisif Ă©tait venu, et que jâĂ©tais lĂ pour entendre ma sentence. Pour mettre en valeur une idĂ©e, Victor Hugo utilise souvent des effets de contraste violents. L'accusĂ© n'Ă©prouve pas de terreur Ă ce moment lĂ , parce qu'il regarde une fleur Au bord de la croisĂ©e, une jolie petite plante jaune, toute pĂ©nĂ©trĂ©e dâun rayon de soleil, jouait avec le vent dans une fente de la pierre. C'est ce qu'on appelle la focalisation interne toutes les marques de subjectivitĂ© se rapportent au mĂȘme personnage principal perceptions, pensĂ©es, souvenirs, opinions, sentiments... Le lecteur va vivre l'expĂ©rience du point de vue du personnage principal, qui assiste Ă son procĂšs sans tout comprendre. Par exemple, il est obligĂ© dâinterprĂ©ter les attitudes des personnes prĂ©sentes Les juges, au fond de la salle, avaient lâair satisfait, probablement de la joie dâavoir bientĂŽt fini. [...] Les jurĂ©s seuls paraissaient blĂȘmes et abattus, mais câĂ©tait apparemment de fatigue dâavoir veillĂ© toute la nuit. Cette fatigue des jurĂ©s introduit un nouvel argument ils portent une responsabilitĂ© Ă©crasante, d'autant que la mort d'un innocent serait irrĂ©parable. Lors de l'abolition de la peine de mort en France en 1981, Robert Badinter dĂ©veloppe cet argument dans son discours Douze personnes, dans une dĂ©mocratie, qui ont le droit de dire celui-lĂ doit vivre, celui-lĂ doit mourir ! Je le dis cette conception de la justice ne peut ĂȘtre celle des pays de libertĂ©. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, 1981. Arrive alors l'avocat qui se veut rassurant â Ils auront sans doute Ă©cartĂ© la prĂ©mĂ©ditation, et alors ce ne sera que les travaux forcĂ©s Ă perpĂ©tuitĂ©. â Que dites-vous lĂ , monsieur ? [...] PlutĂŽt cent fois la mort ! Avec cette rĂ©action, Victor Hugo veut montrer que la peine de mort nâest pas dissuasive. En fait, la mort est mĂȘme souvent prĂ©fĂ©rĂ©e Ă la perpĂ©tuitĂ© car elle semble abrĂ©ger la punition, le condamnĂ© ne parvient pas Ă imaginer sa propre mort Quâest-ce que je risque Ă dire cela ? A-t-on jamais prononcĂ© sentence de mort autrement quâĂ minuit, [...] par une froide nuit [...] dâhiver ? Mais au mois dâaoĂ»t, [...] un si beau jour, [...] câest impossible ! Tout Ă coup, le prĂ©sident invite tout le monde Ă se lever Une figure insignifiante et nulle, [...] câĂ©tait, je pense, le greffier, [...] lut le verdict. [...] Une sueur froide sortit de tous mes membres ; je mâappuyai au mur pour ne pas tomber. Le narrateur ne rapporte pas la sentence, seulement sa propre rĂ©action physique comme assourdi et hors de lui-mĂȘme. Victor Hugo joue ici avec les limites de la focalisation interne. Une rĂ©volution venait de se faire en moi. [...] Je distinguais clairement comme une clĂŽture entre le monde et moi. [...] Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui se pressaient sur mon passage, je leur trouvais des airs de fantĂŽmes. DĂšs que la sentence tombe, le condamnĂ© est irrĂ©mĂ©diablement sĂ©parĂ© du monde des vivants. Victor Hugo va d'abord illustrer cette idĂ©e en jouant avec le registre fantastique le surnaturel fait irruption dans la rĂ©alitĂ©. Les vivants sont comme des fantĂŽmes pour le condamnĂ©, et rĂ©ciproquement. Deux jeunes filles me suivaient avec des yeux avides. â Bon, [...] ce sera dans six semaines ! C'est une premiĂšre marque d'humour noir de Victor Hugo la sentence de mort est une bonne nouvelle pour ces jeunes filles. Alors qu'on imagine ces personnages plus aptes Ă la compassion, au contraire, elles font preuve de sadisme. Dans ces conditions, la peine de mort n'a plus rien de dissuasif. Nous nions [...] quâil y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices produise lâeffet quâon en attend. Loin dâĂ©difier le peuple, [...] il ruine en lui toute sensibilitĂ©, partant toute vertu. Victor Hugo, PrĂ©face du Dernier Jour d'un CondamnĂ©, 1832. Avec ces jeunes filles, Victor Hugo montre comment les spectateurs perdent leur humanitĂ© en suivant les exĂ©cutions. Aujourdâhui encore, mĂȘme alors que lâexĂ©cution nâest pas publique, on retrouve cette fascination. Regardez par exemple le moment de la mort de Ted Bundy, un cĂ©lĂšbre serial killer amĂ©ricain. III Dans son cachot, le narrateur essaye de trouver des raisons dâaccepter son sort... Les hommes, [...] sont tous condamnĂ©s Ă mort avec des sursis indĂ©finis. Quây a-t-il donc de si changĂ© Ă ma situation ? Depuis lâheure oĂč mon arrĂȘt mâa Ă©tĂ© prononcĂ©, combien sont morts qui sâarrangeaient pour une longue vie ! Ah, nâimporte, câest horrible ! Ici, Victor Hugo montre la diffĂ©rence entre la conscience de la mort, le concept philosophique, et la sentence de mort, qui produit un isolement radical et dĂ©sespĂ©rant. Vous verrez que sans cesse le condamnĂ© oscille entre espoir et dĂ©sespoir. IV Maintenant, notre condamnĂ© est transfĂ©rĂ© Ă BicĂȘtre, qui a Ă©tĂ© construit par Louis XIII sur les ruines d'une ancienne forteresse. Le bĂątiment sert d'abord Ă soigner les soldats invalides, mais on finit par y garder aussi les vagabonds, les aliĂ©nĂ©s, les criminels, et mĂȘme les homosexuels et les prisonniers politiques. Vu de loin, cet Ă©difice [...] garde quelque chose de son ancienne splendeur. [...] Mais Ă mesure que vous approchez, le palais devient masure. [...] Aux fenĂȘtres [...] de massifs barreaux de fer [...] auxquels se colle [la] figure dâun galĂ©rien ou dâun fou. Câest la vie vue de prĂšs. On entre de plain pied dans le registre rĂ©aliste un regard qui sâattache aux dĂ©tails sordides dâune rĂ©alitĂ© banale. Et câest lĂ ce que veut nous montrer Victor Hugo ce cadre atroce constitue le quotidien de tous les prisonniers. V Victor Hugo donne juste assez d'informations sur le condamnĂ© pour favoriser l'identification et garder une dimension universelle Ă son tĂ©moignage. Ma jeunesse, ma docilitĂ©, [...] quelques mots en latin [...] mâouvrirent la promenade une fois par semaine [...] et firent disparaĂźtre la camisole oĂč jâĂ©tais paralysĂ©. AprĂšs bien des hĂ©sitations, on mâa aussi donnĂ© de lâencre [et] du papier. Le condamnĂ© peut donc Ă©crire son histoire au fur et Ă mesure. C'est une maniĂšre pour Victor Hugo de prĂ©server la vraisemblance. On se rapproche du genre du journal, mais sans les dates. Notre condamnĂ© Ă mort rencontre aussi les autres dĂ©tenus, qui lui parlent en argot. Ils mâapprennent [...] Ă rouscailler bigorne, comme ils disent. [...] Ăpouser la veuve ĂȘtre pendu, [...] le taule le bourreau, la cĂŽne la mort, la placarde la place des exĂ©cutions. Quand on entend parler cette langue, cela fait lâeffet [...] dâune liasse de haillons que lâon secouerait devant vous. C'est un autre trait de l'Ă©criture de Victor Hugo il mĂ©lange les niveaux de langage soutenu, courant, familier. Mais vous allez voir que cela permet surtout dâillustrer des modes dâexpression variĂ©s la prose, le vers, lâoral, lâĂ©crit, le chant et mĂȘme la danse. VI Maintenant quâil a de lâencre et du papier, le condamnĂ© se pose la premiĂšre question de l'Ă©crivain pourquoi Ă©crire ? Pourquoi nâessaierais-je pas de me dire Ă moi-mĂȘme tout ce que jâĂ©prouve de violent et dâinconnu dans la situation abandonnĂ©e oĂč me voilĂ ? [...] Ces angoisses, le seul moyen dâen moins souffrir, câest de les observer. Mais il songe aussi que son tĂ©moignage pourrait ĂȘtre lu par dâautres, et notamment par les juges Nây aura-t-il pas [...] dans cette espĂšce dâautopsie intellectuelle dâun condamnĂ©, plus dâune leçon pour ceux qui condamnent ? Se sont-ils jamais seulement arrĂȘtĂ©s Ă cette idĂ©e poignante que dans lâhomme quâils retranchent il y a une intelligence [...] ? Non. Ils ne voient dans tout cela que la chute verticale dâun couteau triangulaire, et pensent sans doute [...] qu'il nây a rien avant, rien aprĂšs. Ces feuilles les dĂ©tromperont. Pour faire reculer lâignorance, le scientifique doit regarder de prĂšs la rĂ©alitĂ©, il fait une autopsie. Mais la peine de mort, par son sensationnalisme et son instantanĂ©itĂ©, nous focalise sur la souffrance physique elle cache lâavant et lâaprĂšs. Avant, câest la souffrance morale, et aprĂšs, câest aussi une interrogation importante aux yeux de Victor Hugo nul ne sait si lâĂąme existe et ce quâelle devient aprĂšs la mort. La peine de mort nie Ă la fois lâintelligence humaine et la spiritualitĂ©. VII Le condamnĂ© se met aussitĂŽt Ă douter de ses raisons d'Ă©crire. Que ce que jâĂ©cris ici puisse ĂȘtre un jour utile Ă dâautres, [...] Ă quoi bon ? [...] Quand ma tĂȘte aura Ă©tĂ© coupĂ©e, quâest-ce que cela me fait quâon en coupe dâautres ? [...] Ah ! câest moi quâil faudrait sauver ! C'est un nouvel argument que Victor Hugo prĂ©sente ici une fois condamnĂ©, le coupable ne songe plus quâĂ sa propre fin. Le sort des autres lui devient indiffĂ©rent, il n'est plus disponible pour rĂ©parer son crime... Au contraire, le prisonnier Ă perpĂ©tuitĂ© a le temps de rĂ©flĂ©chir et de s'amender. VIII AprĂšs cette phase de dĂ©sespoir, le condamnĂ© tente de calculer froidement le temps qui lui reste, mais cela finit comme un compte Ă rebours, dâautant plus oppressant quâil ne sait plus depuis combien de temps il est enfermĂ©. En tout six semaines. La petite fille avait raison. Or voilĂ cinq semaines au moins [...] que je suis dans ce cabanon de BicĂȘtre. MalgrĂ© ce qu'annonce le titre, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© ne se dĂ©roule pas sur 24h, mais sur 1 semaine Ă peu prĂšs, avec en plus des retours dans le passĂ©. Pour Victor Hugo, le plus important, ce n'est pas l'unitĂ© de temps ou de lieu, mais bien l'unitĂ© d'action. IX Le condamnĂ© a fait son testament. Il rĂ©alise quâil ne pourra rien lĂ©guer Ă ses proches, car il doit payer son exĂ©cution. La guillotine, câest fort cher. Je laisse une mĂšre, je laisse une femme, je laisse un enfant. Jâadmets que je sois justement puni ; ces innocentes, quâont-elles fait ? Nâimporte ; on les dĂ©shonore, on les ruine. Câest la justice. Ma pauvre vieille mĂšre a soixante-quatre ans, elle mourra du coup. [...] Ma femme [...] mourra aussi. Ă moins quâelle ne devienne folle. Mais ma fille, [...] ma pauvre petite Marie, qui rit, qui chante Ă cette heure [...] câest elle qui me fait mal ! Avec ce registre pathĂ©tique, Hugo veut montrer que la peine de mort enlĂšve dĂ©finitivement une personne Ă ses proches sans pour autant soulager les victimes. Elle augmente l'injustice en punissant des innocents. X Le prisonnier dĂ©crit son cachot avec minutie. C'est dĂ©jĂ pratiquement un tombeau. Huit pieds carrĂ©s. Quatre murailles de pierre de taille. [...] Une noire voĂ»te en ogive. [...] Pas de fenĂȘtres, pas mĂȘme de soupirail. [...] Je me trompe ; au centre de la porte, [...] une ouverture [...] coupĂ©e dâune grille en croix. Un jour il entend mĂȘme son guichetier faire une visite guidĂ©e. Le prisonnier est radicalement coupĂ© des autres, ceux qui continuent Ă vivre, ceux qui continuent d'ĂȘtre humains. Ces cachots sont tout ce qui reste de lâancien chĂąteau de BicĂȘtre tel quâil fut bĂąti dans le quinziĂšme siĂšcle par le cardinal de Winchester, le mĂȘme qui fit brĂ»ler Jeanne dâArc. Jâai entendu dire cela Ă des curieux [...] qui me regardaient Ă distance comme une bĂȘte de la mĂ©nagerie. Le guichetier a eu cent sous. Cette rĂ©fĂ©rence Ă Jeanne d'Arc n'est pas anodine, elle rappelle que la peine de mort sert des intĂ©rĂȘts politiques il faut se dĂ©barrasser d'une personne qui serait gĂȘnante mĂȘme en prison. Cela favorise donc les faux procĂšs. Autre argument le condamnĂ© Ă mort devient martyr d'une cause. C'est le cas des rĂ©sistants et des libĂ©rateurs, mais Ă©galement des terroristes. Au lieu de faire un exemple, la peine de mort donne le criminel en exemple. Aux yeux de certains [...] l'exĂ©cution du terroriste en fait une sorte de hĂ©ros [...] au service d'une cause. DĂšs lors apparaĂźt le risque [...] de voir se lever [...] pour un terroriste exĂ©cutĂ©, vingt jeunes gens Ă©garĂ©s. [...] La peine de mort nourrit le terrorisme. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, Pendant la nuit, le prisonnier regarde les murs de sa cellule avec une lampe, ils sont couverts dâinscriptions. Ce sont les derniĂšres traces des condamnĂ©s, comme autant d'Ă©pitaphes. Jâaimerais Ă [...] retrouver chaque homme sous chaque nom ; Ă rendre le sens et la vie Ă ces inscriptions mutilĂ©es, [...] corps sans tĂȘte comme ceux qui les ont Ă©crits. Pauvre jeune homme ! Que leurs prĂ©tendues nĂ©cessitĂ©s politiques sont hideuses ! La rĂ©fĂ©rence Ă Jeanne d'Arc permettait Ă Victor Hugo de prĂ©parer cette dĂ©nonciation les partisans rĂ©publicains comme Jean-François Bories sont sacrifiĂ©s pour des raisons politiques. XII Sous une toile d'araignĂ©e, le condamnĂ© dĂ©couvre encore dâautres noms Dautun, celui qui a coupĂ© son frĂšre en quartiers, et qui allait la nuit dans Paris jetant la tĂȘte dans une fontaine et le tronc dans un Ă©gout ; Poulain, celui qui a assassinĂ© sa femme ; Jean Martin, celui qui a tirĂ© un coup de pistolet Ă son pĂšre [...] ; Castaing, ce mĂ©decin qui a empoisonnĂ© son ami, et qui, [...] au lieu de remĂšde lui redonnait du poison. Papavoine, lâhorrible fou qui tuait les enfants Ă coups de couteau sur la tĂȘte ! VoilĂ [...] quels ont Ă©tĂ© avant moi les hĂŽtes de cette cellule. Câest ici, sur la mĂȘme dalle oĂč je suis, quâils ont pensĂ© leurs derniĂšres pensĂ©es, ces hommes de meurtre et de sang ! [...] Ils se sont succĂ©dĂ© Ă de courts intervalles ; [...] ce cachot ne dĂ©semplit pas. Victor Hugo cite les pires crimes mutilations, parricide, empoisonnement avec prĂ©mĂ©ditation, meurtre d'enfants. Est-ce que cela ne justifie pas la peine de mort ? Victor Hugo donne dĂ©jĂ quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse D'abord, la peine de mort fait disparaĂźtre les criminels, comme la toile d'araignĂ©e qui couvre leurs noms et leurs pensĂ©es. Les causes et motifs des crimes disparaissent avec eux. Seul un vĂ©ritable travail d'analyse donnerait les clĂ©s de comprĂ©hension des crimes, et donc le moyen de les empĂȘcher Ă l'avenir. Par exemple, Michel Fourniret, incarcĂ©rĂ© depuis 2008, avoue de nouveaux meurtres 10 ans plus tard, et participe Ă la recherche des corps. La peine de mort aurait laissĂ© ces crimes irrĂ©solus, sans reconnaissance par la sociĂ©tĂ©, ni sanction pĂ©nale, ce qui est le pire cas de figure pour les familles des victimes. Ensuite, si la peine de mort Ă©tait dissuasive, pourquoi ce cachot est-il sans cesse rempli ? Aucun de ces crimes passionnels n'a pu ĂȘtre empĂȘchĂ© par la peine de mort. Ceux qui croient Ă la valeur dissuasive de la peine de mort mĂ©connaissent la vĂ©ritĂ© humaine. La passion criminelle n'est pas plus arrĂȘtĂ©e par la peur de la mort que d'autres passions ne le sont qui, celles-lĂ , sont nobles. Robert Badinter, Discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale, 1981. Enfin, pour Victor Hugo, jouer avec la vie et la mort, c'est nier l'importance de la spiritualitĂ© dans la vie humaine. Le registre fantastique lui permet d'illustrer cette question que devient l'Ăąme d'un homme exĂ©cutĂ© ? Il mâa semblĂ© tout Ă coup [...] que le cachot Ă©tait plein dâhommes [...] qui portaient leur tĂȘte [...] par la bouche, parce quâil nây avait pas de chevelure. [...] Ă les Ă©pouvantables spectres ! [...] ChimĂšre Ă la Macbeth ! Les morts sont morts, ceux-lĂ surtout. [...] Bien cadenassĂ©s dans le sĂ©pulcre. [...] Comment se fait-il donc que jâaie eu peur ainsi ? Ici Victor Hugo est ironique il laisse entendre l'inverse de ce qu'il dit. S'il y a des morts qui reviennent, ce sont justement ceux-lĂ ceux qui ont eu une mort violente. Et ce n'est pas un cadenas qui les empĂȘchera de revenir ! Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© n'est pas dĂ©coupĂ© en grandes parties, mais on peut retrouver une logique théùtrale avec ici la fin d'un premier acte et un changement de dĂ©cor. On a tous les Ă©lĂ©ments de l'intrigue, le mĂ©canisme tragique est enclenchĂ©. Avec mes vidĂ©os, je vais tenter de suivre ces mouvements. âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đ Texte intĂ©gral au format PDF âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đ Chapitres I Ă XII axes de lecture âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đš Portraits des personnages âš Victor Hugo, Le Dernier Jour d'un CondamnĂ© đïž Chapitres I Ă XII diaporama de la vidĂ©o âš Hugo, Le dernier jour d'un condamnĂ© đ§ chapitres 1 Ă 12 podcast âš Hugo, Le dernier jour d'un condamnĂ© đ Chapitres 1 Ă 12 PDF
Onvoit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Nous prĂ©sentons deux textes de Victor Hugo. Le premier est celui du rĂ©cit de la mort d'HonorĂ© de Balzac 1799-1850 tandis que le deuxiĂšme est celui de l'oraison funĂšbre qu'il a prononcĂ©e devant la tombe du cĂ©lĂšbre Ă©crivain. Ăcrit d'un ton familier, le premier est truffĂ© d'anecdotes. Le second est chargĂ© de gravitĂ©, exaltant le gĂ©nie de Balzac et mĂ©ditant la mort qui est une grande Ă©galitĂ© et une grande liberté».La mort de Balzac par Victor Hugo Le 18 aoĂ»t 1850, ma femme, qui avait Ă©tĂ© dans la journĂ©e pour voir Mme de Balzac, me dit que M. de Balzac se mourait. J'y courus. M. de Balzac Ă©tait atteint depuis dix-huit mois d'une hypertrophie du coeur. AprĂšs la rĂ©volution de FĂ©vrier, il Ă©tait allĂ© en Russie et s'y Ă©tait mariĂ©. Quelques jours avant son dĂ©part, je l'avais rencontrĂ© sur le boulevard; il se plaignait dĂ©jĂ et respirait bruyamment. En mai 1850, il Ă©tait revenu en France, mariĂ©, riche et mourant. En arrivant, il avait dĂ©jĂ les jambes enflĂ©es. Quatre mĂ©decins consultĂ©s l'auscultĂšrent. L'un d'eux, M. Louis, me dit le 6 juillet Il n'a pas six semaines Ă vivre. C'Ă©tait la mĂȘme maladie que FrĂ©dĂ©ric SouliĂ©. Le 18 aoĂ»t, j'avais mon oncle, le gĂ©nĂ©ral Louis Hugo, Ă dĂźner. SitĂŽt levĂ© de table, je le quittai et je pris un fiacre qui me mena avenue FortunĂ©e, n° 14, dans le quartier Beaujon. C'Ă©tait lĂ que demeurait M. de Balzac. Il avait achetĂ© ce qui restait de l'hĂŽtel de M. de Beaujon, quelques corps de logis bas Ă©chappĂ©s par hasard Ă la dĂ©molition ; il avait magnifiquement meublĂ© ces masures et s'en Ă©tait fait un charmant petit hĂŽtel, ayant porte cochĂšre sur l'avenue FortunĂ©e et pour tout jardin une cour longue et Ă©troite oĂč les pavĂ©s Ă©taient coupĂ©s çà et lĂ de plates-bandes. Je sonnai. Il faisait un clair de lune voilĂ© de nuages. La rue Ă©tait dĂ©serte. On ne vint pas. Je sonnai une seconde fois. La porte s'ouvrit. Une servante m'apparut avec une chandelle. Que veut monsieur ? » dit-elle. Elle pleurait. Je dis mon nom. On me fit entrer dans le salon qui Ă©tait au rez-de- chaussĂ©e, et dans lequel il y avait, sur une console opposĂ©e Ă la cheminĂ©e, le buste colossal en marbre de Balzac par David. Une bougie brĂ»lait sur une riche table ovale posĂ©e au milieu du salon et qui avait en guise de pieds six statuettes dorĂ©es du plus beau goĂ»t. Une autre femme vint qui pleurait aussi et me dit Il se meurt. Madame est rentrĂ©e chez elle. Les mĂ©decins l'ont abandonnĂ© depuis hier. Il a une plaie Ă la jambe gauche. La gangrĂšne y est. Les mĂ©decins ne savent ce qu'ils font. Ils disaient que l'hydropisie de monsieur Ă©tait une hydropisie couenneuse, une infiltration, c'est leur mot, que la peau et la chair Ă©taient comme du lard et qu'il Ă©tait impossible de lui faire la ponction. Eh bien, le mois dernier, en se couchant, Monsieur s'est heurtĂ© Ă un meuble historiĂ©, la peau s'est dĂ©chirĂ©e, et toute l'eau qu'il avait dans le corps a coulĂ©. Les mĂ©decins ont dit Tiens ! Cela les a Ă©tonnĂ©s et depuis ce temps-lĂ ils lui ont fait la ponction. Ils ont dit Imitons la nature. Mais il est venu un abcĂšs Ă la jambe. C'est M. Roux qui l'a opĂ©rĂ©. Hier on a levĂ© l'appareil. La plaie, au lieu d'avoir suppurĂ©, Ă©tait rouge, sĂšche et brĂ»lante. Alors ils ont dit Il est perdu ! et ne sont plus revenus. On est allĂ© chez quatre ou cinq, inutilement. Tous ont rĂ©pondu Il n'y a rien Ă faire. La nuit a Ă©tĂ© mauvaise. Ce matin, Ă neuf heures, monsieur ne parlait plus. Madame a fait chercher un prĂȘtre. Le prĂȘtre est venu et a donnĂ© Ă Monsieur l'extrĂȘme- onction. Monsieur a fait signe qu'il comprenait. Une heure aprĂšs, il a serrĂ© la main Ă sa soeur, Mme de Surville. Depuis onze heures il rĂąle et ne voit plus rien. Il ne passera pas la nuit. Si vous voulez, monsieur, je vais aller chercher M. de Surville, qui n'est pas encore couchĂ©. » La femme me quitta. J'attendis quelques instants. La bougie Ă©clairait Ă peine le splendide ameublement du salon et de magnifiques peintures de Porbus et de Holbein suspendues aux murs. Le buste de marbre se dressait vaguement dans cette ombre comme le spectre de l'homme qui allait mourir. Une odeur de cadavre emplissait la maison. M. de Surville entra et me confirma tout ce que m'avait dit la servante. Je demandai Ă voir M. de Balzac. Nous traversĂąmes un corridor, nous montĂąmes un escalier couvert d'un tapis rouge et encombrĂ© d'objets d'art, vases, statues, tableaux, crĂ©dences portant des Ă©maux, puis un autre corridor, et j'aperçus une porte ouverte. J'entendis un rĂąlement haut et sinistre. J'Ă©tais dans la chambre de Balzac. Un lit Ă©tait au milieu de cette chambre. Un lit d'acajou ayant au pied et Ă la tĂȘte des traverses et des courroies qui indiquaient un appareil de suspension destinĂ© Ă mouvoir le malade. M. de Balzac Ă©tait dans ce lit, la tĂȘte appuyĂ©e sur un monceau d'oreillers auxquels on avait ajoutĂ© des coussins de damas rouge empruntĂ©s au canapĂ© de la chambre. Il avait la face violette, presque noire, inclinĂ©e Ă droite, la barbe non faite, les cheveux gris et coupĂ©s courts, l'oeil ouvert et fixe. Je le voyais de profil, et il ressemblait ainsi Ă l'Empereur. Une vieille femme, la garde, et un domestique se tenaient debout des deux cĂŽtĂ©s du lit. Une bougie brĂ»lait derriĂšre le chevet sur une table, une autre sur une commode prĂšs de la porte. Un vase d'argent Ă©tait posĂ© sur la table de nuit. Cet homme et cette femme se taisaient avec une sorte de terreur et Ă©coutaient le mourant rĂąler avec bruit. La bougie au chevet Ă©clairait vivement un portrait d'homme jeune, rose et souriant, suspendu prĂšs de la cheminĂ©e. Une odeur insupportable s'exhalait du lit. Je soulevai la couverture et je pris la main de Balzac. Elle Ă©tait couverte de sueur. Je la pressai. Il ne rĂ©pondit pas Ă la pression. C'Ă©tait cette mĂȘme chambre oĂč je l'Ă©tais venu voir un mois auparavant. Il Ă©tait gai, plein d'espoir, ne doutant pas de sa guĂ©rison, montrant son enflure en riant. Nous avions beaucoup causĂ© et disputĂ© politique. Il me reprochait ma dĂ©magogie». Lui Ă©tait lĂ©gitimiste. Il me disait Comment avez-vous pu renoncer avec tant de sĂ©rĂ©nitĂ© Ă ce titre de pair de France, le plus beau aprĂšs le titre de roi de France» - Il me disait aussi J'ai la maison de M. de Beaujon, moins le jardin, mais avec la tribune sur la petite Ă©glise du coin de la rue. J'ai lĂ dans mon escalier une porte qui ouvre sur l'Ă©glise. Un tour de clef et je suis Ă la messe. Je tiens plus Ă cette tribune qu'au jardin.» - Quand je l'avais quittĂ©, il m'avait reconduit jusqu'Ă cet escalier, marchant pĂ©niblement, et m'avait montrĂ© cette porte, et il avait criĂ© Ă sa femme Surtout, fais bien voir Ă Hugo tous mes tableaux.» La garde me dit Il mourra au point du jour.» Je redescendis, emportant dans ma pensĂ©e cette figure livide ; en traversant le salon, je retrouvai le buste immobile, impassible, altier et rayonnant vaguement, et je comparai la mort Ă l'immortalitĂ©. RentrĂ© chez moi, c'Ă©tait un dimanche, je trouvai plusieurs personnes qui m'attendaient, entre autres Riza-Bey, le chargĂ© d'affaires de Turquie, Navarrete, le poĂšte espagnol et le comte Arrivabene, proscrit italien. Je leur dis Messieurs, l'Europe va perdre un grand esprit.» Il mourut dans la nuit. Il avait cinquante et un ans. Extrait de Chez Soi, n° 43, 10 aoĂ»t 1907; Site Les cĂ©lĂ©britĂ©s et la mort ses-obseques-sa-tombe-anecdote Dicours prononcĂ© aux funĂ©railles de M. HonorĂ© de Balzac 29 aoĂ»t 1850 Messieurs, L'homme qui vient de descendre dans cette tombe Ă©tait de ceux auxquels la douleur publique fait cortĂšge. Dans les temps oĂč nous sommes, toutes les fictions sont Ă©vanouies. Les regards se fixent dĂ©sormais non sur les tĂȘtes qui rĂšgnent, mais sur les tĂȘtes qui pensent, et le pays tout entier tressaille lorsqu'une de ces tĂȘtes disparaĂźt. Aujourd'hui, le deuil populaire, c'est la mort de l'homme de talent; le deuil national, c'est la mort de l'homme de gĂ©nie. Messieurs, le nom de Balzac se mĂȘlera Ă la trace lumineuse que notre Ă©poque laissera Ă l'avenir. M. de Balzac faisait partie de cette puissante gĂ©nĂ©ration des Ă©crivains du dix-neuviĂšme siĂšcle qui est venue aprĂšs NapolĂ©on, de mĂȘme que l'illustre plĂ©iade du dix-septiĂšme est venue aprĂšs Richelieu - comme si, dans le dĂ©veloppement de la civilisation, il y avait une loi qui fit succĂ©der aux dominateurs par le glaive les dominateurs de par l'esprit. M. de Balzac Ă©tait un des premiers parmi les plus grands, un des plus hauts parmi les meilleurs. Ce n'est pas le lieu de dire ici tout ce qu'Ă©tait cette splendide et souveraine intelligence. Tous ses livres ne forment qu'un livre, livre vivant, lumineux, profond, oĂč l'on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d'effarĂ© et de terrible mĂȘlĂ© au rĂ©el, toute notre civilisation contemporaine; livre merveilleux que le poĂšte a intitulĂ© comĂ©die et qu'il aurait pu intituler histoire, qui prend toutes les formes et tous les styles, qui dĂ©passe Tacite et qui va jusqu'Ă SuĂ©tone, qui traverse Beaumarchais et qui va jusqu'Ă Rabelais; livre qui est l'observation et qui est l'imagination; qui prodigue le vrai, l'intime, le bourgeois, le trivial, le matĂ©riel, et qui par moment, Ă travers toutes les rĂ©alitĂ©s brusquement et largement dĂ©chirĂ©es, laisse tout Ă coup entrevoir le plus sombre et le plus tragique idĂ©al. Ă son insu, qu'il le veuille ou non, qu'il y consente ou non, l'auteur de cette oeuvre immense et Ă©trange est de la forte race des Ă©crivains rĂ©volutionnaires. Balzac va droit au but. Il saisit corps Ă corps la sociĂ©tĂ© moderne. Il arrache Ă tous quelque chose, aux uns l'illusion, aux autres l'espĂ©rance, Ă ceux-ci un cri, Ă ceux-lĂ un masque. Il fouille le vice, il dissĂšque la passion. Il creuse et sonde l'homme, l'Ăąme, le coeur, les entrailles, le cerveau, l'abĂźme que chacun a en soi. Et, par un don de sa libre et vigoureuse nature, par un privilĂšge des intelligences de notre temps qui, ayant vu de prĂšs les rĂ©volutions, aperçoivent mieux la fin de l'humanitĂ© et comprennent mieux la Providence, Balzac se dĂ©gage souriant et serein de ces redoutables Ă©tudes qui produisaient la mĂ©lancolie chez MoliĂšre et la misanthropie chez Rousseau. VoilĂ ce qu'il a fait parmi nous. VoilĂ l'oeuvre qu'il nous laissĂ©, oeuvre haute et solide, robuste entassement d'assises de granit, monument, oeuvre du haut de laquelle resplendira dĂ©sormais sa renommĂ©e. Les grands hommes font leur propre piĂ©destal; l'avenir se charge de la statue. Sa mort a frappĂ© Paris de stupeur. Depuis quelques mois il Ă©tait rentrĂ© en France. Se sentant mourir, il avait voulu revoir la patrie, comme la veille d'un grand voyage on vient embrasser sa mĂšre! Sa vie a Ă©tĂ© courte, mais pleine; plus remplie d'oeuvres que de jours! HĂ©las! ce travailleur puissant et jamais fatiguĂ©, ce philosophe, ce penseur, ce poĂšte, ce gĂ©nie, a vĂ©cu parmi nous de cette vie d'orages, de luttes, de querelles, de combats, commune dans tous les temps Ă tous les grands hommes. Aujourd'hui, le voici en paix. Il sort des contestations et des haines. Il entre, le mĂȘme jour, dans la gloire et le tombeau. Il va briller dĂ©sormais, au-dessus de toutes ces nuĂ©es qui sont nos tĂȘtes, parmi les Ă©toiles de la patrie. Vous tous qui ĂȘtes ici, est-ce que vous n'ĂȘtes pas tentĂ©s de l'envier? Messieurs, quelle que soit notre douleur en prĂ©sence d'une telle perte, rĂ©signons-nous Ă ces catastrophes. Acceptons-les dans ce qu'elles ont de poignant et de sĂ©vĂšre. Il est bon peut-ĂȘtre, il est nĂ©cessaire peut-ĂȘtre, dans une Ă©poque comme la nĂŽtre, que de temps en temps une grande mort communique aux esprits dĂ©vorĂ©s de doute et de scepticisme un Ă©branlement religieux. La Providence sait ce qu'elle fait lorsqu'elle met ainsi le peuple face Ă face avec le mystĂšre suprĂšme, et quand elle lui donne Ă mĂ©diter la mort qui est la grande Ă©galitĂ© et qui est aussi la grande libertĂ©. La Providece sait ce quelle fait, car c'est lĂ le plus haut de tous les enseignements. Il ne peut y avoir que d'austĂšres et sĂ©rieuses pensĂ©es dans tous les coeurs, quand un sublime esprit fait majestueusement son entrĂ©e dans l'autre vie! quand un de ces ĂȘtres qui ont planĂ© longtemps au-dessus de la foule avec les ailes visibles du gĂ©nie, dĂ©ployant tout Ă coup ces autres ailes qu'on ne voit pas, s'enfonce brusquement dans l'inconnu! Non, ce n'est pas l'inconnu! Non, je l'ai dĂ©jĂ dit dans une autre occasion douloureuse, et je ne me lasserai pas de le rĂ©pĂ©ter, non, ce n'est pas la nuit, c'est la lumiĂšre! Ce n'est pas la fin, c'est le commencement! Ce n'est pas le nĂ©ant, c'est l'Ă©ternitĂ©! N'est-il pas vrai, vous tous qui m'Ă©coutez? De pareils cercueils dĂ©montrent l'immortalitĂ©; en prĂ©sence de certains morts illustres, on sent plus distinctement les destinĂ©es divines de cette intelligence qui traverse la terre pour souffrir et pour se purifier et qu'on appelle l'homme, et l'on se dit qu'il est impossible que ceux qui ont Ă©tĂ© des gĂ©nies pendant leur vie ne soient pas des Ăąmes aprĂšs leur mort! Victor Hugo, LittĂ©rature et philosophie mĂȘlĂ©es, Tome 2 , Paris, Librairie L. Hachette et Cie, 1868 Onvoit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; InayaPlume d'Eau Nombre de messages 50031Age 61Date d'inscription 05/11/2010Sujet Victor HUGO 1802-1885 Ce que c'est que la mort Mar 19 Juil - 2350 Ce que c'est que la mortNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni, Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. a7mIM.